Le corps hétérosexuel, marqué par les tabous de l'homosexualité et de l'inceste, stabilisé par les identités de genre, se différencie en parties sources possibles de plaisir (pénis, vagin, seins) correspondant à l'idéal normatif d'un certain genre. Mais la structure mélancolique du genre rend d'autres parties insensibles au plaisir. Ce qui apparaît comme "désir naturel" (ou naturalisé) suppose l'ensevelissement, l'oubli, le refoulement complets des plaisirs liés à d'autres appendices et orifices, que le transsexuel est capable d'activer par l'imagination - même s'il ne les possède pas anatomiquement. Le corps fantasmé excède le corps physique; il dépasse les limites du réel telles qu'elles sont fixées par l'hétérosexualisation des corps. Renoncer à d'autres surfaces sexuées ou à d'autres partenaires (par exemple l'homme qui n'a jamais aimé d'autres hommes) est le prix à payer pour la stabilisation des identités hétérosexuelles. En déplaçant l'amour pour le père sur le pénis et en concentrant son désir sur la femme-objet, l'homme s'assure qu'il n'a jamais éprouvé de désir homosexuel, et qu'il n'a jamais pleuré cette perte.