L'essentiel du contrat social de Jean-Jacques Rousseau, c'est que chacun puisse parler au nom de la société, et que la société puisse parler en son nom à lui. Chacun ne peut parler en son nom propre que parce qu'il a consenti à ce contrat. Ainsi peut-il prétendre parler dans le même esprit que les autres - mais il risque d'être démenti par eux, de même que eux risquent d'être démentis par lui. Quand il fait entendre sa voix propre, il fait aussi entendre celle des autres.

Une fois que j'ai reconnu comme mienne une communauté, elle parle réellement en mon nom, jusqu'au moment où je lui dénie ce rôle. Tant que je parle, même en exprimant mon désaccord, les autres acceptent mes paroles et mes actions au même titre que les leurs. Même un dissentiment ne dissoudra pas mon consentement et n'entraînera pas mon exclusion. Il ne dépassera pas le stade du conflit interne. Pour être exclu, il faut que je ne dise plus rien, à condition que ce mutisme ne soit pas circonstanciel (je n'ai rien à dire), mais résulte d'un état dans lequel j'aurais perdu la parole, je serais sans-voix.

On peut comparer une langue maternelle au contrat social : nous ne connaissons pas à l'avance la profondeur de notre accord, ni jusqu'à ira notre responsabilité envers le langage, ni le contenu de ce que nous accepterons les uns des autres.