D'où vient le pouvoir qu'ont les images sur le corps, l'âme et l'esprit? On ne peut pas le réduire à sa matérialité (la pierre, la toile, le support photosensible ou l'écran digital). Quelque chose de singulier se montre et fait sens. Entre cet autre absent, réel ou imaginé, et le présent, le décalage est irrévocable.

Rendre l'immatériel visible est un acte créateur qui définit l'humanité. Déjà l'homme préhistorique était un homo pictor. L'image n'est pas un double vivant ni un clone, ni un simulacre, c'est un objet différentiel invisible, sans corps ni visage, qui peut recevoir un contenu religieux. L'image fait voir, elle ouvre les yeux, elle montre. Seul un oeil intelligent est capable de la lire. Mais il a fallu longtemps pour qu'elle s'octroie un lieu légitime dans la hiérarchie du savoir et qu'on la considére comme une conquête culturelle.

En voulant "sortir de l'image", l'art du 20ème siècle a cherché à se débarrasser de l'imaginaire pour donner à voir quelque chose de cognitif, d'irréel, mais il est resté hybride. Le readymade est tangible, il reste iconique même s'il tente de se défaire de son aspect représentatif. Le minimalisme américain était aussi un rite de purification de la perception. En montrant des objets inexpressifs, il montrait encore quelque chose, un sens.