Dès la conception, dans la pénombre de sa vie amniotique, le présujet foetal a un partenaire qui n'est pas la mère. C'est un organe archaïque qui prend la forme du sang, du placenta ou du milieu auditif. Ce partenaire n'est pas un objet mais un nobjet, que Sloterdijk appelle l'Avec. L'Avec séjourne là-bas, à proximité. Il est la première dimension proche qui partage l'espace de la créature. Il l'accompagne, et lui seul, comme une ombre nourricière et un frère anonyme. Son moi parlant est un déploiement de ce tendre lieu. Dans la mesure où l'Avec existe, elle existe aussi. De lui affluent vers elle des énergies qui lui donnent forme. L'Avec se tient en marge, discret, impliqué dans ce sercret à deux que nul ne connaîtra jamais, à part eux deux. Il a tous les traits d'un organe physique, mais il n'est pas une chose corporelle réelle. Il est humble, silencieux et indispensable. Quand la créature apparaît comme le personnage principal, il disparaît, condamné à n'être que son excédent perdu. Il est anonyme et sans apparence. Si nous l'apercevions, nous aurions un sentiment de nausée. Mais on ne peut pas l'abolir par dénégation.

Les lits et leurs ustensiles, oreilles, draps, couettes et édredons prolongent la fonction de l'Avec. Ils sont plus nécessaires que les anges, les doubles, les jumeaux, les âmes soeurs, qui en sont les figures mythologiques.