Ces récits sont écrits à la première personne du singulier. Ils s'adressent à un "nous", un tiers qui porte la promesse ou le projet d'une l'humanité libre. A partir du moment où des tiers sont laissés en-dehors du projet - ce qui a commencé à Auschwitz -, la tradition moderne est brisée. Il faut faire son deuil de l'unanimité potentielle. L'abandon de l'idée de l'humanité libre plonge dans une mélancolie inguérissable. Ce deuil répète celui de Dieu. On ne peut plus satisfaire l'universel, mais seulement la particularité. Cette perspective est intolérable. Si la raison n'est plus accessible et partageable par tous, on arrive à la tyrannie.

Le sujet moderne n'a plus la force de perpétuer le projet moderne. Au cours du XXème siècle, tous les grands récits d'émancipation ont été invalidés : le communisme, la démocratie, l'enrichissement général, etc... La pensée rationnelle et positiviste est en ruine. On peut s'interroger sur la possibilité même d'un grand récit spéculatif fondé sur une Idée à réaliser et applicable à l'histoire humaine en général. Les récits traditionnels (mythiques) reposent sur des noms propres non généralisables.