L'aura de Walter Benjamin est l'apparition d'un lointain, mais c'est un lointain fragile, qui fait défaut à l'horizon de la crise de la civilisation occidentale. En évoquant l'aura à l'époque de la montée du nazisme, Benjamin souligne le lien entre une espérance messianique et un sentiment tragique de perte et de séparation. Dans les années 1980, Kiefer vit une expérience analogue (l'expérience de la ruine de la culture allemande) qui le conduit à se rapprocher des thèmes juifs (la Brisure des vases de la Cabale). L'histoire de l'homme est celle de la réparation (tiqoun) de la brisure originelle, c'est-à-dire de l'échec de la réparation. Plus tard, à partir des années 1995, quand Kiefer s'éloignera de ce sentiment mélancolique, il tendra à renoncer à ces thèmes juifs.

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Le messianisme juif ne se dit pas au futur, mais au présent. Ce présent n'est pas une délivrance immédiate ni un salut. Toujours repoussé, il associe le passé (le roi David) à une joie paradoxale, celle de pouvoir, maintenant, réparer le monde (tiqoun). Le messie est présent, même si nous ne l'apercevons pas, et notre exil tient à notre incapacité de l'apercevoir. Il ne viendra pas : il est déjà là, il crève les yeux. S'il est invisible, c'est que nos yeux sont crevés.