Dans sa contestation radicale, Rousseau dissocie l'idéal éthique de l'idéal théorique du siècle des Lumières. Le progrès des sciences et des arts, constate-t-il, ne conduit pas nécessairement à une amélioration des moeurs. Le savoir et le vouloir s'opposent par leurs fins comme par leurs voies. La société est fondée sur l'instinct de puissance et de possession. Il ne s'agit pas de revenir à un état de nature purement théorique, mais d'instaurer, par le contrat social, un autre ordre librement voulu.

L'exigence de Rousseau est entièrement rationnelle, mais il s'agit d'un rationalisme éthique qui l'emporte sur le savoir théorique. La volonté morale a une primauté absolue. Elle doit chasser tout arbitraire et faire prévaloir la nécessité intérieure de la loi. Dans le sentimentalisme de Rousseau, se fait jour une force morale. Cette thèse prépare la voie de Lessing et de Kant, qui voyait en Rousseau le Newton du monde moral.

Jacques Derrida (dans sa propre problématique, si éloignée de celle de Cassirer) attire l'attention sur la place centrale de la pitié dans le système rousseauiste.