La technique n'est pas la même chose que l'essence de la technique. Ce qui régit tout arbre en tant qu'arbre n'est pas lui-même un arbre; de même, ce qui régit la technique n'est pas perceptible. Nous sommes enchaînés à elle et privés de liberté.

Font partie de la technique : la fabrication et l'utilisation d'outils, d'instruments et de machines, les choses qui sont fabriquées et utilisées, et aussi les besoins et les fins auxquels elles servent. L'ensemble de ces dispositifs est la technique.

Dans la conception instrumentale, la technique est un moyen pour une fin. On tient d'autant plus à s'en rendre maître qu'elle échappe au contrôle de l'homme.

Pour accéder à l'essence de la technique, il faut se demander en quoi consiste le caractère instrumental lui-même. Là où l'instrumentalité est souveraine, là domine la causalité. Mais en quoi consiste la causalité? Il faut revenir à la racine grecque : c'est l'acte dont on répond. Cet acte n'est pas fabrication, il est dévoilement. C'est dans cette région qu'il faut rechercher l'essence de la technique.

L'arraisonnement est ce qui régit la technique moderne et n'est lui-même rien de technique.

Tout ce qui est essentiel se tient partout en retrait le plus longtemps possible. C'est ce qui vient des tout premiers temps, ce qui nous a été envoyé et que nous nommons destin.

Derrida reproche à cette formulation d'introduire la notion d'une purification de la pensée (de la technique, de la philosophie ou de la science), d'un sain et sauf qui serait en-deça de toute contamination technique, comme si l'exappropriation n'était pas originelle.