La notion d'état de droit s'impose en Europe au moment où la montée du déisme conduit à rejeter le surnaturel. Quand les forces démocratiques récusent l'intervention directe du monarque dans l'ordre juridique, elles rejettent également le miracle hors du monde. De même que les lois de la nation doivent s'appliquer à tous, les lois de la nature doivent s'appliquer toujours. Le juridisme moderne prolonge historiquement et structurellement les concepts métaphysiques issus de la théologie.

- le Dieu tout-puissant est devenu le législateur omnipotent. Avec son monopole de la souveraineté, son unicité, l'Etat est doté d'une personnalité juridique. C'est lui qui maintient l'ordre, c'est lui qui accorde grâces et amnisties.

- en rejetant l'arbitraire, en se débarrassant de l'idée du miracle, on ouvre la voie aux "situations exceptionnelles" de la jurisprudence.

- à la place de la fiction religieuse, on installe la fiction juridique.

A chaque époque, il y a correspondance entre les idées politiques et les concepts métaphysiques. Sous l'Ancien régime, le monarque du monde est identifié avec le Dieu du cosmos, tandis qu'au 19ème siècle, quand les représentations immanentes commencent à dominer, on identifie le gouvernant au gouverné, l'Etat à la souveraineté, la souveraineté à l'ordre juridique et le peuple souverain à la raison.