Jacques Derrida s'intéresse à un fantasme, mourir vivant, qui est le fil directeur de l'étude qu'il poursuit sur différentes thématiques depuis le début de l'année scolaire en cours (La bête et le souverain, volume II). Pour penser ce fantasme, il ne faut pas trahir sa structure, il faut au contraire la mettre en texte, en discours, l'endurer. Or ce que le fantasme figure n'est pas logique, cohérent, ce n'est pas intellectualisable. Le fantasme configure le contradictoire, l'impensable, l'impossible. Il ne nous laisse pas indifférents; au contraire il nous affecte, il touche notre désir. Pour le penser, pour penser ça, dit Derrida (p215), il faut du courage, du cœur (étymologiquement, le mot courage est apparenté au mot cœur). Il ne suffit pas d'avoir une idée, de s'imaginer ou se représenter ce que signifie ce fantasme, il faut s'engager avec courage dans une zone sans règle, qu'aucune éthique ou normativité préalable ne vient baliser. Cette zone qui effraie le bon sens, il faut la porter (p223), pas seulement la supporter mais la défier de face, insister, appuyer son regard sur elle.