Derrida
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de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Plaisir présent, nostalgie d'une date                     Plaisir présent, nostalgie d'une date
Sources (*) : Derrida, plaisir, jouissance               Derrida, plaisir, jouissance
Jacques Derrida - "Séminaire "La bête et le souverain" Volume II (2002-2003)", Ed : Galilée, 2010, p88

[D'avance, mes plaisirs présents, datés d'hier, me sont dérobés, et c'est la nostalgie d'hier qui me donne le plaisir, en ce moment même, comme hier]

   
   
   
                 
                       

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Dans le cours de la deuxième séance de la seconde année du séminaire La bête et le souverain (18 décembre 2002), Jacques Derrida cite et commente le vers de John Donne, dans le premier des Holy Sonnets (dont la publication, en 1633, a été posthume) : "I run to Death and Death meets me as fast / And all my Pleasures are like Yesterday" (voir ici le sonnet complet). Il traduit : "Je cours vers la mort, je me précipite vers la mort et la mort vient à ma rencontre tout aussi vite / Et tous mes plaisirs sont comme hier". A première lecture, on comprend mal pourquoi il s'intéresse, justement ici, à ces deux vers, et pourquoi il développe sur cinq pages une analyse extraordinairement dense de cette phrase. Les deux livres mis en parallèle dans ce séminaire [Les concepts fondamentaux de la métaphysique, où Heidegger cite la phrase de Novalis, "La philosophie est proprement une nostalgie (Heimweh), une pulsion à être partout chez soi"; et Robinson Crusoé qui, dans son île, prend la trace d'un autre pied pour sa propre trace, comme si la présence d'un autre humain, dont il rêvait, ne pouvait être que la sienne], ces deux livres renvoient tous deux à la nostalgie. Or son analyse ou plus précisément sa théorie sa plaisir est elle aussi essentiellement nostalgique. On peut tenter de la restituer dans une autre présentation, un autre ordre.

 

1. Nostalgie.

Le plaisir est toujours double. D'un côté il est présent, il ne peut survenir que dans la présence, en ce moment même. Mais d'un autre côté, il renvoie à une expérience antérieure, une archive qu'il répète, qu'il réitère. Je ne peux envisager ou espérer un plaisir que si je l'ai déjà éprouvé. Un plaisir repose sur la nostalgie d'une trace. Il se souvient du deuil de cette trace, et aussi du deuil de celui qui l'a portée, autrefois, mon deuil, même si je ne suis plus celui-là, même si le moi d'hier n'est pas le moi d'aujourd'hui. J'ai la nostalgie d'un passé dont je ne suis pas sûr qu'il ait existé, qui s'impose à moi comme souvenir et comme plaisir virtuel.

 

2. Deuil.

Ce plaisir qui n'a pas encore eu lieu ne sera qu'une réitération. Il ne sera qu'une fuite devant la mort qui reste à venir - la mort ultime, et aussi cette mort qui s'attache à tout plaisir passé, achevé, terminé, épuisé. Il faut pour cela que je fasse le deuil de moi-même (car la trace seule a valeur de plaisir), et aussi de cet autre moi-même où s'inscrit la trace passée, que je ne suis sûr ni de reconnaître, ni de me réapproprier. Ainsi le plaisir est-il indissociable de ma mort - une expression qui démontre, en la proférant, que je suis bien vivant. L'occasion viendra d'un plaisir mort-né, qui viendra au jour comme une mort déjà arrivée. J'irai vers le plaisir, je ferai un pas vers lui, et ce sera encore une fois le pas de plaisir (absence de plaisir dans le plaisir), le pas sans-plaisir et le pas-sans plaisir. Jacques Derrida compare ce mouvement avec le dispositif retard d'une photographie : ce qui est passé sera, dans un second temps, photographié, mais il faut un troisième temps pour la lecture. Ce temps-là, troisième, celui de la survie, est incertain, imprévisible, improbable. Les deux premiers temps peuvent s'effacer définitivement. Il en est ainsi avec le plaisir : le frayage antérieur, incontournable, ne suffit pas pour procurer la jouissance. L'autobiophotographie ne garantit nullement le retour du plaisir. On ne peut pas compter sur lui, il reste toujours indécidable.

 

3. La vitesse au-delà de la vitesse.

L'incertitude m'oblige à la hâte : toujours plus de vitesse, de précipitation. Je sais que je cours vers la mort, mais il faut que j'y arrive avant la mort. Je n'y suis pas encore, mais j'en ai déjà la nostalgie. Cette nostalgie déjà là empêche tout calcul, elle me livre à l'incalculable, l'incommensurable. C'est ce qui, selon Derrida, arrive au-delà de la vitesse. Qu'y a-t-il au-delà de la vitesse ? Dans la logique de précipitation de ce texte, la jouissance attachée à la trace ne peut advenir, car la trace ne revient pas. La jouissance est déjà endettée, en échec. La mort a déjà gagné la course. Si le plaisir vient toujours de l'autre, il faut abandonner la croyance en un plaisir souverain. Plus vite, par la recherche du plaisir, je fuis la mort, plus vite je m'en approche. Si le plaisir ne nait que du deuil, seule ma mort me laisse jouir, elle seule me laisse prendre du plaisir. Dire qu'"elle me gagne de vitesse", c'est dire que cette course de vitesse me dépasse, qu'elle échappe à mon contrôle. La vie, ou vietesse comme dirait Ginette Michaud, est dans ce sursaut (Mosaic n°40, p58, 69).

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Propositions

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Déjà, depuis le commencement, je suis en deuil de moi-même; tous mes plaisirs sont d'hier, déjà passés d'avance, teintés de nostalgie

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La jouissance est d'avance le passé d'elle-même : plus vite je fuis la mort, plus vite, au-delà de la vitesse, une vitesse absolue, infinie, me gagne de vitesse

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Il n'est de plaisir ou de jouissance que dans la trace, la revenance de ce pas que jamais je ne suis sûr de reconnaître, de me réapproprier

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Une déclaration du type : "En ce moment même dans cet ouvrage me voici" produit chez Lévinas un éclatement du "Me voici", une dislocation du Même

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Tout commence par l'archive : une trace qui s'affecte d'avance de nostalgie, une mort qui me précède et reste à venir, une autobiophotographie non réappropriable

 


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