Jacques Derrida cite Hegel : "Ce n'est pas cette vie qui recule d'horreur devant la mort et se préserve pure de la destruction, mais la vie qui porte la mort, et se maintient dans la mort même, qui est la vie de l'esprit". Sur trois pages (pp222-224), entre deux analyses du fantasme chez Freud, il interprète ce passage de la Phénoménologie de l'esprit (trad. Hyppolite, t1 p29) comme affirmation de la maîtrise souveraine, du pouvoir ou de la puissance de l'esprit. L'esprit doit regarder la mort en face, la mort même, la dévisager. Le fantasme en question est celui du mourir vivant de Robinson Crusoé. Ne faut-il pas être vivant pour regarder la mort en face? La vie porte la mort, et elle porte aussi en soi le deuil de la mort. Selon Hegel, l'esprit atteint sa vérité dans cet absolu déchirement. Il ne faut pas se détourner du négatif [la mort par opposition à la vie, dans une dialectique du maître et de l'esclave], il faut prendre le temps de se donner à la mort. C'est une force, un courage [qui ressemble à l'assomption de la mort comme telle de Heidegger].

Buio Omega (Joe d'Amato, 1979).

En supportant le poids de ce regard, en ne se détournant pas de son spectre, que fait-on? Pour Hegel on assume la vie de l'esprit, mais pour Derrida cette idée d'une vie qui regarde la mort en face n'est qu'un fantasme.