L'immédiat est à l'horizon mais, comme la chose, il s'éloigne à mesure qu'on veut l'approcher. Il n'est pensable qu'en restant à distance.

Mes yeux voient, mais mains touchent, mais peuvent aussi être touchés. Ils voient et touchent le visible et le tangible du dedans. Le rentrer en soi et le sortir de soi sont identiques.

Chaque paysage de ma vie est un segment de la chair durable du monde. En tant que visible, il est pregnant de bien d'autres visions que la mienne (les platanes de Delphes sont les mêmes que voyaient Platon et Aristote). Sa visibilité est plus vieille que mes opérations ou mes actes.

Le monde actuel est un Être dont ma vision fait partie. Mais il n'y a pas coïncidence entre moi et lui. Au contraire, une déhiscence coupe en deux mon corps : les choses passent en moi aussi bien que moi dans les choses. Ce n'est pas la chose nue qui nous est donnée, mais la chose prête à être vue, pregnante de toutes les visions qu'on peut en prendre.

Entre moi et le "noyau dur", il y a une épaisseur de chair.