Rabbi Nahman de Braslav n'aime pas les réponses. Il soutient que le Juif pose des questions à Dieu, mais sans attendre de réponse. Et même s'il y avait des réponses, elles sont faites pour être questionnées. La controverse (mahloqet) n'est pas circonstancielle ou transitoire, elle procède de la création du monde. Chaque maître tire de son côté. S'ils sont séparés les uns des autres, c'est pour que se maintienne entre eux un espace vide d'où le divin s'est retiré. La parole doit s'efforcer de franchir l'abîme, tout en préservant la distance, car c'est l'écart qui est à l'origine de toute valeur positive. L'écart entre les maîtres n'est pas seulement social. Il est aussi métaphysique, car s'il n'était pas maintenu, c'est le rapport entre l'homme et Dieu qui serait affecté. Cet écart irréductible fait d'autrui le transcendant.

Seul l'entre-deux permet la création. La parole ne réduit pas l'intervalle, mais le porte; elle n'est pas un passage ni un pont, mais une fissure toujours renouvelée. Elle introduit la différenciation dans l'indifférencié. C'est la que nous grandissons, dans la polémique entre les maîtres. C'est là que nous créons notre propre monde.