La légitimation de l'artiste comme tel, sa nomination, repose sur une exigence double et contradictoire :

1. A priori, l'artiste digne de ce nom ne s'autorise que de lui-même. Il aspire à une souveraineté absolue, une liberté littéralement anarchique (sans fondement autre que lui-même, sans principe déterminant) et auto-affirmative. Tout en refusant toute position de maîtrise, il se tient à l'écart des normes. Par principe, il refuse à tout pouvoir politique, y compris le peuple souverain, de juger de sa qualité d'artiste.

2. Malgré cette exigence de souveraineté, la position d'artiste passe par une reconnaissance extérieure. Un sujet quel qu'il soit ne peut pas s'accorder à lui-même un droit. Pour éviter la circularité, il faut qu'une instance, une autorité, fixe une norme, reconnaisse une légitimité ou la rejette, qu'elle aie le pouvoir de qualifier ou de disqualifier l'artiste en tant que tel.

Depuis que le statut d'artiste existe officiellement (1798), l'instance de légitimation à souvent varié. Mais la structure formelle de la prescription n'a pas varié. Paul Audi l'exprime ainsi : Il est obligatoire, du moins pour qu'ils soient en toute légitimité qualifiés d'artistes, que les artistes en viennent à accomplir une certaine action. Quelle action? A cette question aussi, l'époque moderne a répondu de façon variée.