Un jour, Michel Thévoz a voulu faire faire une analyse graphologique de l'écriture de Michel Thévoz. Il a montré une lettre manuscrite à un graphologue qui a donné rapidement un diagnostic exact : angoisse, inhibition, agoraphobie voire autisme. Soutter tentait d'échapper au carcan intérieur dans lequel il était enfermé par des gestes brutaux et centrifuges. Mais le même graphologue, confronté aux textes écrits au dos des dessins de Soutter commença par affirmer qu'il ne s'agissait pas de la même personne : l'homme devait être extraverti, sociable, entreprenant, en harmonie avec son corps. Selon que les manuscrits étaient destinées à sa famille et à ses amis, ou bien qu'ils portaient la trace jubilatoire du dessin, il y avait deux personnalités différentes. Lorsqu'il était chez lui, seul, pour dessiner, Soutter se dénudait complètement, il dépliait sa longue silhouette; mais dès qu'il sortait, il s'habillait soigneusement avec des habitudes de dandy et semblait reprendre sa posture sociale ratatinée. Il lui fallait tout un rituel pour se mettre dans l'état second de la peinture : le jeûne, les marches exténuantes, la réclusion solitaire. Quand il était enfin entré dans un état de transe, il communiquait avec des énergies latentes ou subconscientes qui se transféraient dans ses dessins.