Les considérations esthétiques appartiennent-elles à la définition de l'art? Pour répondre à cette question, Arthur Danto reprend l'opinion de Ted Cohen selon laquelle toute oeuvre d'art donne lieu à une appréciation. Cette appréciation peut être positive ou négative; elle peut éventuellement s'exprimer dans un langage réservé au domaine artistique, ce qui implique qu'elle soit distincte de l'appréciation qu'on peut porter sur un objet qui n'aurait pas le statut d'oeuvre d'art. Nos réactions esthétiques dépendent de nos croyances concernant un objet et de la description qui en est faite. Si j'apprends qu'un objet possède le statut d'"oeuvre d'art", il est transfiguré. Je ne le considérerai pas de la même manière que si c'est un objet banal ou une réplique.

Supposons que l'image ci-contre soit la trace laissée sur un mur par un nettoyage rapide avec un chiffon sale. Nous n'y attacherons aucune importance, et nous chercherons même à nous en débarrasser. Mais regardons de plus près, et supposons qu'il s'agisse d'un groupe de femmes marchant sur une surface humide, un jour de brouillard. L'image acquiert alors le statut d'oeuvre. On peut lui attribuer une signification dense ou profonde, pleine de mystère ou de beauté, et passer des heures devant elle.

Cet exemple montre que l'objet matériel lui-même n'est pas l'essentiel de l'oeuvre. A la limite on pourrait le soustraire et il en resterait quelque chose : l'essence de l'art.