Certains régimes politiques reposent sur des pratiques de terreur qui organisent méthodiquement la soumission : des dispositifs (arrestations, tortures, déportations, famine, exécutions arbitraires), règlements, contraintes, menaces, punitions exemplaires entretiennent une peur de chaque instant. Les dispositifs sont collectifs, mais la peur est individuelle, ancrée en chaque personne. Elle divise, fractionne et replie chacun sur soi-même. Ce qui se passe aujourd'hui dans les régimes démocratiques semble différent : les discours politiques et la mise en scène de l'information entretiennent une culture de la peur, qui conduit à exiger toujours plus de protection et de sécurité. La peur porte sur l'environnement, la santé, l'emploi, et aussi la sécurité personnelle. Elle dépend des menaces montrées au public ou des cibles qui lui sont désignées (délinquants, voyous, immigrés, "racaille"), qui sont toujours sélectives et hiérarchisées. S'il est vrai qu'en général la peur induit une perte d'identité et affaiblit le désir, cette culture contribue à une uniformisation et une dés-individuation qui affecte la finalité même des démocraties : l'invention idiomatique de la singularité.

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