Le sujet occidental est partagé entre un fantasme d'extériorité souveraine (mon regard englobe tout l'univers) et un fantasme d'intériorité imprenable (je suis à l'intérieur de moi). Mais l'espace humain véritable imbrique plusieurs espaces intérieurs. Chaque sujet est contenant et contenu. Il absorbe un Autre subjectif, et il est encerclé par les institutions des autres. Son champ de proximité est un réseau de vases communicants, suintants, où les corps creux jouent les contenants et les contenus. Leurs parois sont à la fois intérieures et extérieures.

L'intimité ne peut être comprise que comme une abyssalité dans ce qui est le plus proche de nous. Les hommes s'épanouissent comme fonctions de cette topologie sphérique. Elle est plus suave qu'héroïque, plus pâteuse, vaguement matriarcale, que lumineuse. Elle invite à la complaisance, à la jouissance sensorielle plus qu'à la souveraineté. Il reste peu de chose du libre arbitre et de l'autonomie humaines. L'homme fort y tire parti de sa cavité, de sa pénétrabilité, de sa médialité. Il n'hésite pas à se laisser allaiter, à sucer des bonbons. Il se laisse envahir par des formes heureuses, des intrus enrichissants.