Fredric Jameson commente Untitled Door and Door Frame, de Robert Gober (1987-88). En tant que peinture, c'est une simple porte. L'oeuvre semble renoncer à tout dévoilement, toute ambition moderniste de transformer le monde, ce qui la rapproche de la photographie postmoderne. Elle n'a pas de mission idéologique ou transesthétique, pas de telos. Elle prône le nomadisme, l'absence de signification, l'inconstance, la fluidité, le flottement entre d'innombrables systèmes de marques. Il en résulte une sorte de "douceur" de l'oeuvre, une sensibilité dépourvue d'identification rhétorique ou pathétique, une superficialité désenchantée ou désinhibée. C'est le surréalisme sans l'inconscient, un espace où les images et les icônes de la culture se déversent et flottent, un peu au hasard, comme une obscruction du visuel, une immense dissolution analytique de toute chose.

Comme chez David Salle, il peut y avoir une organisation (diptyque), mais elle est vide. Aucun système herméneutique ou interprétatif ne peut l'exploiter. C'est une peinture qui ne harcèle pas. Mais plus elle devient acculturée, plus elle accumule les stéréotypes, plus elle réinvente le référent sous la forme de fantasmes culturels collectifs (p262). L'ancienne relation de l'image au référent (ressemblance) est supplantée par une relation interne ou intériorisée, psychologique.

Certaines peintres figuratifs comme Marc Desgrandchamps jouent sur cette superficialité. D'autres comme Gerhardt Richter la détournent : par exemple derrière une photo de famille banale, il faut savoir par ailleurs que c'est celle d'un tortionnaire nazi pour en saisir la profondeur (le lien à l'histoire personnelle, familiale et politique du peintre). Rien de tel chez Andy Warhol, dont s'inspire Jameson.