La performance invite à renoncer à la spéculation ou à la méditation pour construire un art vivant, actif, opérationnel, socialement efficace. Entre le futurisme italien et le fascisme, entre le constructivisme russe et le bolchevisme, se développe un cousinage ambigu. L'intervention directe du "réel" dans l'art prescrit une éthique informulée.

Maiakovski revendique la propagande comme prolongement direct de l'art. Un de ses canaux est l'Agence télégraphique russe, la ROSTA, à laquelle le poète n'hésite pas à contribuer. Journaux parlés ou télégraphiés, posters, théatre, cinéma, mise en slogan de l'action politique, soutien à l'armée rouge, agit-trains, agit-bateaux, décoration des rues, manifestations, tout cela contribue à l'identification de la vie et de l'art.

Un des points culminants du rapprochement entre performance et action politique est le 7 novembre 1920 avec la reconstitution de la prise du Palais d'hiver. Ce spectacle de masse qui célèbre le troisième anniversaire de la révolution russe implique un bataillon de l'armée, 8000 citoyens, 125 danseurs, 100 artistes de cirque, un orchestre de 500 musiciens. Les innovations du théatre, de l'architecture, de la peinture et du cinéma inventées par les constructivistes et les futuristes depuis 1909 sont mises à contribution, ainsi que les plus grands artistes (dont Meyerhold, Eisenstein).

Ce type d'événement sera encore organisé jusqu'en 1934 (quelques années après le suicide de Maiakovski), quand le parti, sous la direction de Jdanov, rendra obligatoire le réalisme socialiste.

Reconstitution de la révolution d'Octobre organisée par Sergueï Eisenstein. Le film a été diffusé en 1927.

En elle-même, la performance n'est ni fasciste, ni communiste, ni avant-gardiste, ni révolutionnaire, ni même altermondialiste, elle est politique, et nécessairement aux marges de l'art.