Freud, à son époque, a écrit sur la guerre (Considérations actuelles sur la guerre et la mort, en 1915; Pourquoi la guerre?, en 1932). A son époque, la guerre était encore basée sur le modèle des frontières et des lignes de front. Mais ce modèle a cédé la place à d'autres rapports entre cruauté guerrière, souveraineté et résistance. Deux siècles après la Révolution Française, c'est d'une autre révolution qu'il faut rendre compte : un autre espace, un autre devenir-temps du monde mondialisé, avec une autre charge historique, éthique, juridique. Or sur ces nouvelles figures de la guerre d'aujourd'hui, la psychanalyse n'écrit rien ou presque rien. La révolution psychanalytique qui a eu lieu il y a un siècle n'a pas encore entrepris d'analyser ce nouveau discours. C'est pourtant elle, la psychanalyse, qui seule peut s'y confronter. Ce que la "cruauté psychique" aurait de plus propre, elle seule peut penser cela "sans alibi" - c'est-à-dire sans chercher dans une métaphysique ou une éthique préexistantes des explications toutes faites. Aurait, insiste Derrida, car ce que la cruauté psychique "a" de plus propre, c'est impossible à savoir.

Une image du film Psychose, d'Alfred Hitchcock (1960).

Depuis Freud, la psychanalyse est en échec à penser cela, et pourtant c'est vers elle (et seulement elle) qu'il faut se tourner.