La philosophie a toujours voulu dominer les autres champs. Elle se prenait pour la logique des logiques, le discours des discours, etc.... C'est cette position privilégiée que Jacques Derrida rejette en cherchant à la confronter aux autres discours : fiction, poésie, littérature, psychanalyse. En supprimant la position centrale qu'elle s'attribue à elle-même, il décapite la philosophie, il la déforme. Que produit-il alors? Pas une philosophie, mais un "protocole de travail textuel".

---

Catherine Clément, qui a retranscrit à sa façon, à partir de son écoute, les propos de Jacques Derrida dans cet entretien publié en 1973 dans L'Arc n°54, précise que c'est Derrida lui-même qui a fait appel à la figure de Jonas. "Il faut, dit-il [Derrida], la rendre [la philosophie] à la mer des textes, comme Jonas craché par la baleine". Il y a, dans cette courte phrase, une double allusion à la tradition juive :

1. Pourquoi la mer des textes? La philosophie vise la finitude d'un système, tandis que le texte ne peut jamais être borné. A rapprocher de la formulation traditionnelle : Les paroles de la Torah ont été comparées à l’eau, ainsi qu’il est dit : «Venez, vous tous qui avez soif, allez vers l’eau», car de même que l’eau n’a pas de fin, les paroles de Torah n’ont pas de fin.

2. Pourquoi Jonas?