Le premier verset de l'Epître de St Paul aux Romains peut se traduire : "Paul, serviteur du Christ Jésus, appelé apôtre, séparé pour l'Evangile de Dieu." Quel est l'appel qui lui a été adressé? Souvenons-nous que le mot Christ, dans le grec de l'époque, n'est pas un nom propre (contrairement aux choix qui seront faits dans des traductions ultérieures), mais la traduction grecque du mot hébreu machiah, qui signifie "oint", c'est-à-dire messie. Paul (qui d'ailleurs venait de changer de nom, abandonnant l'hébreu Shaul) est transformé par un événement qui est l'appel messianique. Alors qu'il est de condition mondaine, un simple serviteur, il devient appelé. Lui-même et tous ceux qui le sont comme lui (les kleseis), chacun en tant que tel, tel qu'il est (homme ou femme, esclave ou maître, circoncis ou non-circoncis) se rassemblera dans l'ekklesia, l'Eglise. Tous les statuts étant révoqués en même temps, il ne gardera pas son ancienne condition, mais rien n'est dit sur la nouvelle [s'il y en a une]. Qu'est-ce qu'une vocation, si rien n'en est dit? C'est une urgence qui appelle la vocation elle-même. L'appel demeure, on peut y rester, on peut vivre dans la klesis messianique, c'est-à-dire dans une tension entre un état et un autre. Une manière d'être dans le monde "passe", mais aucune autre n'est recommandée; la vocation qui se met en place est la révocation de toutes les vocations factuelles. La tension messianique ne va pas vers un ailleurs. Chaque manière d'être tend vers elle-même dans une sorte de mouvement immanent, ou d'indiscernabilité de l'immanence et de la transcendance, de ce monde et du monde futur (p49).