L'humanisme a commencé quand les auteurs romains se sont mis à déchiffrer les textes venues de Grèce. Ces textes étaient comme des lettres dont l'expéditeur ne connaissait pas ses futurs récepteurs. En les lisant, ceux-ci ont pu se lier d'amitié avec les auteurs disparus, et aussi avec d'autres lecteurs qu'ils ne connaissaient pas. C'est ainsi qu'une chaîne s'est constituée dans laquelle l'amour pour l'immédiat est remplacé par l'amour pour le lointain : le texte jette un pont entre des "élites" réunies par un amour commun pour l'émetteur qui les inspire. Dans les Etats-Nations bourgeois, le modèle s'est étendu à partie plus large de la société par le biais de l'enseignement ou des normes qui régissent l'opinion publique.

Cette époque est aujourd'hui irrémédiablement dépassée. A partir de 1918 avec la radio et de 1945 avec la télévision, la relation d'amitié entre lecteurs a été remplacée par la télécommunication politico-culturelle. L'ère nationale-humaniste s'est achevée avec les atrocités de la guerre.

Quand il a écrit sa Lettre sur l'humanisme, Heidegger savait qu'il ne pouvait pas compter sur une harmonie pré-établie entre lui-même et ses lecteurs. Il ne se situait pas sur le terrain de l'humanisme (rejeté dans la métaphysique), mais sur un autre terrain, trans-humaniste ou post-humaniste.