Au théatre, en littérature et même en peinture, l'érotisme constitue une variété, un genre spécialisé. Au cinéma, il est omniprésent. Cela tient à la parenté du cinéma avec le rêve. Il n'est, en dernière analyse, de rêves qu'érotiques, même si la censure y est sévère et le surmoi impitoyable. Elle est constitutive du rêve autant que son irrésistible transgression. Au cinéma, la censure est d'essence sociale et juridique. L'image de Marilyn Monroe dont la jupe est soufflée par le courant d'air du métro est à cet égard typique : une idée aussi géniale ne pouvait naître que dans un contexte où la censure a une longue histoire, et incite à des trouvailles raffinées de l'imagination. Malgré la bêtise du code puritain, Hollywood est la capitale de l'érotisme cinématographique.

L'image elle-même est la seule censure décisive dont le cinéma ne puisse se passer. Il y a une pornographie, une obscénité intrinsèque de l'image, qui serait insupportable au théatre. En effet le théatre est un lieu concret fondé sur la conscience, tandis que le cinéma est un espace imaginaire qui appelle l'identification. L'acteur de cinéma n'entre pas en concurrence avec mes désirs, il les réalise. Pour cela, le langage cinématographique doit rester abstrait, ne jamais prendre valeur documentaire