Personne ne croit à sa propre mort (p31). Dans l'inconscient, chacun est persuadé de son immortalité (p32). Autant que possible, on évite de parler de la mort d'un autre. Lorsqu'elle survient, elle nous touche profondément, et on préfère l'attribuer à un événement occasionnel. Lorsqu'un de nos proches meurt, nous sommes effondrés (p33). Cette personne chère n'est-elle pas une part de notre moi bien-aimé (p37)? Mais elle recèle aussi une part étrangère, et nos sentiments sont ambivalents. Nous avons aussi eu contre elle des sentiments hostiles, générateurs de culpabilité et de l'interdit le plus significatif : "Tu ne tueras point".

Des philosophes ont affirmé que l'énigme intellectuelle de la mort était le point de départ de toute spéculation. Mais ce n'est pas l'énigme qui fait naître chez l'homme l'esprit de recherche, c'est sa propre ambivalence. Il voudrait se tenir à l'écart de la mort, ne pas se représenter mort lui-même, mais il ne peut pas et doit s'engager dans des compromis. C'est ce qui l'a conduit à inventer la division de l'individu en un corps et une âme - celle-ci pouvant échapper à la mort. Cela conduit aussi à deux attitudes opposées à l'égard de la mort : soit la reconnaître comme anéantissement de la vie (ce qui conduit aux désirs inconscients de meurtre), soit la dénier comme non réelle (à la façon des héros). On trouve ces deux attitudes dans la guerre, comme si nous hésitions à supporter la vie.