L'événement du 11 septembre, ce n'est pas seulement l'acte terroriste, c'est sa reproduction immédiate, instantanée, partout dans le monde. Ce qui est mis en oeuvre n'est pas seulement un savoir faire, c'est un faire savoir organisé autant par l'agresseur que par la victime. Tous deux ont un égal intérêt à l'efficacité de ce faire-savoir. L'archive ne vient pas après-coup, elle accompagne l'événement même, elle en conditionne le sens et la portée, elle en fait partie. Dès l'origine, l'événement est infiniment reproductible. Il porte le trauma, le deuil, la souffrance, la peur, l'angoisse devant la menace, la vulnérabilité découverte. Son effet est décuplé par la puissance médiatico-économique des Etats-Unis. S'il est vécu comme catastrophe ou cataclysme pires que d'autres [n'yant pourtant pas provoqué plus de victimes que, par exemple, des catastrophes naturelles ou des bombardements en Afghanistan], c'est par le caractère narratif de l'image. Elle ne fait pas que reproduire et archiver, elle produit, elle diffuse en boucle des enregistrements visuels et sonores qui donnent l'impression de voir en direct la totalité de l'événement - alors qu'en réalité l'information est censurée (ni corps ni cadavres à l'écran).

Quoique virtuelle, passant par le simulacre et la fable, l'image fait croire. Elle produit en même temps de la foi et de la terreur.