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Salomon, le juste | Salomon, le juste |
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La sagesse n'a aucun contenu | La sagesse n'a aucun contenu |
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Nata Tsvirka - "Les spirales du retrait", Ed : Guilgal, 2007-2017, Page créée le 16 mars 1998 |
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Au - delà de l'éthique, l'éthique (e) | De la sagesse de Salomon et de ses avatars, on peut déduire une éthique du retrait |
Au - delà de l'éthique, l'éthique (e) |
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Table |
Quest-ce que la sagesse de Salomon?
1. Jai expliqué dans un autre travail que le règne du grand roi Salomon avait finalement été un échec. Jen ai donné trois raisons principales : - la première raison de léchec, cest quil sest fixé des objectifs tellement ambitieux quil était impossible de les tenir. Rendez vous compte, la paix universelle et la prospérité générale, dans le cadre dun Etat fonctionnant à la perfection. Ambition énorme sil en est! - la deuxième cause déchec, plus intime, est quil a sous-estimé limpact de sa propre histoire et de lhistoire de son peuple, limpact des divisions qui parcouraient son empire, les conséquences de son origine sanglante, des crimes qui avaient été commis, etc... Il sest trouvé pris dans cet ensemble de contradictions sans vouloir en entendre parler et évidemment sans les maîtriser. - la troisième cause, que jai considérée comme la plus fondamentale, cest que Salomon na pas compris que la justice, pour durer, devait être sociale, et quune telle justice sociale était le seul fondement possible de sa propre légitimité.
2. Cela étant, voici la question que je pose aujourdhui. Ces éléments critiques, ces facteurs déchec que, encore une fois, je nai pas inventés, mais que jai trouvés dans de multiples sources, toutes ces raisons qui ont provoqué sa chute mettent-elles en cause la sagesse de Salomon? En dautres termes, Salomon était-il un faux sage? Faut-il jeter aux orties la sagesse de Salomon avec tout le reste? A mon avis, non.Salomon est le sage par excellence, le Sage avec un grand S, il mérite vraiment cette qualification. Pour justifier cela, je dois changer de registre, de dimension, je dois parler dun autre Salomon, un Salomon qui nest pas exactement celui de la dernière fois, un Salomon idéal, un Salomon légendaire, le Sage parmi les Sages, celui que tous les gouvernants, les rois et les reines des pays étrangers, comme la reine de Saba ou son ami le roi de Tyr, Hiram, venaient de loin entendre et admirer à Jerusalem, cette ville à la beauté aussi étrange que cet homme dont léloquence fascinait même les poètes et les musiciens, celui dont la parole charmait même les animaux et les plantes, celui qui, à limage dOrphée parmi les Grecs, exerçait un charme magique et dangereux. La sagesse, donc, est bel et bien laxe principal de la vie de Salomon. Le reste, par rapport à elle, compte très peu. Mais, encore une fois, je pose la question. Quest-ce que cétait que cette sagesse? Laissez-moi vous lexpliquer en deux temps.
Dans un premier temps, je ne vais pas lillustrer positivement, je vais procéder par opposition. La sagesse de Salomon se distingue radicalement de deux autres vertus : celle du juste et celle du prince. La question pourrait se poser à la façon dune devinette : Quelle différence y a-t-il entre un sage, un juste et un prince? (Je prends ici le mot prince dans le sens du bon gouvernant). Ce sont trois positions bien distinctes : la position du sage, celle du juste et celle du prince. Ces trois positions sont incompatibles. Qui est sage ne peut être ni juste ni prince. Qui est juste ne peut être ni sage ni prince. Qui est prince ne peut être ni sage ni juste. La grande erreur de Salomon a été de croire quil pouvait, en sa personne, unifier les trois positions. Salomon sest cru à la fois sage, juste et prince. Il sest trompé, ce qui ne lempêche pas davoir été sage, et même Très-sage, une situation qui peut sembler paradoxale, mais le paradoxe nest quapparent. En quoi un sage sa distingue-t-il dun prince et dun juste? - non seulement le prince nest pas nécessairement sage, mais il ne faut pas quil le soit. En effet la politique est lart de loccasion, lart de la rencontre, lart danalyser une situation donnée pour en déduire une tactique et une stratégie. Le sage, lui, ne peut pas se situer dans ce cadre.Il ignore loccasion.Il suit son chemin. Le talmud dit : Est sage celui qui a su mener sa tâche jusquau soir, voulant dire par là que ce qui compte est sa tâche à lui, sa tâche personnelle, singulière, qui nest pas nécessairement adaptée à la direction dune ville ou dun pays. Doù ladage traditionnel : Pauvre la ville qui est gouvernée par un sage!. Je répète : Pauvre la ville qui est gouvernée par un sage. - maintenant, pourquoi le sage ne peut-il pas être en même temps juste? Parce que le juste est le responsable du mal. Le juste est comptable des conséquences du mal. Le prince, lui, est responsable du bien. Il doit construire un bien positif pour ses sujets, ce quun juste est par structure incapable de faire. Et le sage?Eh bien le sage ne soccupe ni du bien ni du mal. Je répète : Le sage ne soccupe ni du bien ni du mal. Alors, de quoi soccupe-t-il? Il soccupe de la création. La sagesse a le visage de léternité. Elle ne juge pas, elle ne punit pas, elle ne commande pas, elle ne gouverne pas.Elle est. Comme la science, la sagesse ne se situe pas dans le temps. Cest pour cela que les Proverbes de Salomon restent valables, alors que son mode de gouvernement et sa pratique de la justice sont dépassés. Donc, un sage qui se présente comme juste et comme prince ne peut et ne doit quéchouer. Cela ne remet pas en cause sa sagesse, bien au contraire.
3. Après lavoir définie par opposition, je vais essayer de caractériser la sagesse salomonienne de façon positive. Cest ici que je prends des risques, jen prends dautant plus quil faut je sois très court, et donc que je ramène lessence de cette sagesse à un petit nombre de dimensions : exactement deux. 31. Selon la bible, la sagesse de Salomon était aussi étendue que le sable au bord de la mer. Ou bien, dans la traduction de Chouraqui : Elohim donne sagesse et discernement à Chlomo, très fort; un coeur large comme le sable sur la lèvre de la mer. (Cest une façon poétique de dire les choses). Pourquoi, précisément, aussi étendue que le sable de la mer? Parce que cette sagesse lui venait du peuple. Comme le dit un verset voisin (toujours dans la traduction de Chouraqui : Iehouda et Israël, multiples comme le sable de la mer en multitude, mangent, boivent, se réjouissent. Quand je dis du peuple, ce nétait pas seulement de son propre peuple, de chacun des individus de son propre peuple, mais aussi de tous les peuples du monde, de chacun des individus de tous ces peuples. Le texte dit : La sagesse de Chlomo est plus multiple que la sagesse de tous les fils du Levant et que toute la sagesse de Mitsraïm. Il est plus sage que tout humain, quEitan lEzrahi, que Heiman, Kaldol et Karda, les Bnéi Mahol. Ce nétait donc pas une sagesse universelle, mais une sagesse innombrable. Salomon invente la sagesse dans sa dimension de multiplicité. Elle ne lui venait pas seulement de tous les peuples mais aussi de toutes les choses, indistinctement. Il parle sur les arbres, depuis le cèdre qui est au Liban jusquà la marjolaine qui sort du mur. Il parle sur la bête et sur le volatile, sur le reptile et sur tous les poissons. Et même cela ne lui suffisait pas. Il ne se contentait pas de sinspirer de tous les peuples et de toutes les choses, il lui fallait aussi, en plus, toutes les paroles. Il énonce trois mille exemples, et cest son poème, mille cinq. Mais tout cela ne faisait pas un tout. Tout cela, il le recueillait en lui et il le diffusait, tel quel. Salomon était une puissance disséminante. Ils viennent de tous les peuples pour entendre la sagesse de Chlomo, tous les rois de la terre qui ont entendu sa sagesse. Si Salomon navait pas eu pour principale perspective la dissémination, ses connaissances nauraient pas pu être aussi nombreuses que le sable qui est au bord de la mer, et ses auditeurs non plus. Commentaire de R. Yossef Kara (Méam Loez) : La sagesse était disséminée entre tous les membres du peuple (...). Et Salomon incluait en lui tous ces éclats dispersés. Doù ce formidable discernement quil possédait et face auquel il ne perdit pourtant jamais la maîtrise de soi. [Cest ce que dit le rabbi, mais de la maîtrise de soi, je ne suis pas si sûr]. 32. Le deuxième aspect de la sagesse salomonienne est sa dimension initiatique. Salomon est supposé avoir rédigé un très grand nombre de textes, dont les Proverbes, lEcclésiaste et le Cantique des Cantiques. Ce qui est parvenu jusquà nous ne serait quune toute petite partie de limmense ensemble des textes quil aurait écrit. Un verset (que jai cité tout à lheure) lui attribue 3000 paraboles et 1005 cantiques. Sur ces 1005 chirim (cantiques), le Cantique des Cantiques nest que lun deux. La postérité a reconnu lempreinte de Salomon dans beaucoup dautres textes initiatiques. Selon ceux-ci, Salomon aurait intentionnellement bâti une oeuvre cryptée, dont on peut retrouver la trace dans quelques passages des Proverbes, et surtout dans Qohelet (le livre de lEcclésiaste). Là-dessus sest construite une monumentale herméneutique, qui est probablement à lorigine de la place particulière quoccupe Salomon dans nos obédiences. Je nentrerai pas dans toutes ces considérations, mais je me limiterai à un commentaire très simple. La sagesse de Salomon, particulièrement dans Qohélet, semble se caractériser par une sorte de pessimisme radical. Pour en donner une illustration, je citerai le fameux chapitre, Vanité des Vanités, quon traduit par buée des buées, par souffle des souffles, ou encore par fumée des fumées (traduction de Chouraqui). Excusez-moi pour cette longue citation, mais il faut bien que nous donnions un peu la parole à Salomon :
Paroles de Qohèlèt, le fils de David, le roi de Jerusalem. Fumée de fumées dit Qohèlèt; fumée de fumées, tout est fumée. Quel avantage pour lhumain en tout son labeur, dont il a labeur sous le soleil? Un cycle va, un cycle vient; en pérennité la terre se dresse. Le soleil brille, le soleil décline; à son lieu il aspire et brille là. Il va au midi, il tourne au septentrion, il tourne, tourne et va, le souffle, et retourne sur ses tours, le souffle. Tous les torrents vont à la mer et la mer nest pas pleine. Au lieu où les torrents vont, là, ils retournent pour aller. Toutes les paroles lassent, lhomme ne peut pas en parler.Loeil ne se rassasie pas de voir, loreille ne se remplit pas dentendre. Ce qui a été sera, ce qui sest fait se fera : il nest rien de tout neuf sous le soleil. Il est une parole qui dit : Vois cela, cest neuf! Cétait déjà dans les pérennités, cétait avant nous. Pas de souvenirs des premiers, ni même des derniers qui seront, pas de souvenir deux, ni de ceux qui seront en dernier.
Je voudrais donner une interprétation de ce pessimisme. Je suppose quil exprime une certaine éthique que je désigne par lexpression : une éthique du retrait. Voilà, à mon avis, le contenu le plus essentiel pour nous de la sagesse salomonienne. Dabord cest une éthique, et ensuite cette éthique se définit par le retrait. Cest ce retrait qui a inspiré la Cabale sous le nom de tsimtsoum et de nombreux sages jusquà aujourdhui. Quest-ce qui est impliqué par cette éthique du retrait?Je nai le temps de donner que quelques aphorismes : - tu dois accepter en toi la présence du manque, et le faire vivre. - pour voir la chose, tu dois dabord rendre son espace libre, cest-à-dire te retirer de cet espace, - ta pensée commence et se poursuit avec létonnement, - tu dégages un vide dans ton travail, et ce vide, tu te refuses à remplir. Cest ainsi que tu progresses. - tu vis le monde comme inachevé, en perpétuel inachèvement. - dieu sétant retiré, le monde nest plus donné intangiblement, il revient à toi de le constituer. - la loi ne se donne que dans lexception, la suspension de la norme. - tu ne peux tinsérer dans le monde moderne quen ten dégageant. - pour toi, lorigine est dans le retrait de lorigine. Je ne veux pas vous noyer sous ce genre daphorismes, qui sont, je le reconnais, assez faciles, mais ils sont, me semble-t-il, comme on dit en anglais, self-explanatory : ils se comprennent deux-même pour saisir là où je veux en venir.
4. On me demande de parler de la position du Sage. Pas une personne concrète, mais une fonction. Que représente-t-il, le Sage? Eh bien disons quil représente Salomon. Notre Sage est supposé poursuivre la mission et la tâche du roi Salomon. Quest-ce à dire? Si je pouvais lui donner quelques conseils, le premier serait de pratiquer activement léthique du retrait. Cela signifie : être aussi peu présent que possible en tant que personne. Se résigner à nêtre quun grain de sable parmi dautres, accueillant tous les grains de sable de la sagesse sans en être rempli, exprimant dautres grains de sable afin de les démultiplier. Voilà Sage, la sagesse que je te propose, la position que je lui recommande. Retire-toi autant que tu le pourras, non pas pour quitter ta fonction, mais au contraire pour lexercer au mieux, et tu profiteras de la leçon de Salomon. Aucun grain de savoir ne sera perdu et aucun grain ne suffira pour compléter le savoir.Il ny aura plus de complétude. Il en est pour le Sage comme il en est pour Salomon : il na pas à se préoccuper du gouvernement ni de la justice, il doit soccuper de la sagesse. Soccuper de la sagesse, comme je ne cesse de le répéter, cest disséminer la parole. Voilà la tâche du Sage. Salomon a définitivement renoncé à la royauté. Cest seulement ainsi quil reste un sage pour la postérité. Et ce nest pas seulement la place du Sage, cest celle de chacun dentre nous, car le lieu principal de laction est léthique. Et, contrairement à la justice et à la politique, léthique nest pas sans rapport avec la sagesse. Il y a des carrefours, des croisements que nous devons repérer. Chacun doit élaborer sa propre éthique, sy mesurer, et faire preuve dune prudence de sioux. En cela, Salomon est un exemple. Cest lexemple à suivre. Salomon a tiré, sur le plan éthique, les conséquences de son échec. Il en a déduit sa propre sagesse, qui est la nôtre. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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