La décision de mettre en oeuvre son programme d'euthanasie a été prise par Hitler en février 1940, en s'appuyant (entre autres) sur le concept de "vie indigne d'être vécue" de Binding et Hoche. A une époque d'économie de guerre, où les camps pour les juifs et autres indésirables se multipliaient, l'extermination d'environ 60.000 malades mentaux n'était pas une priorité. Elle a pourtant été poursuivie avec ténacité. Pourquoi? Son enjeu était l'exercice du pouvoir souverain sur la vie nue. L'Etat national-socialiste, en charge du corps biologique de la nation, voulait démontrer sa vocation biopolitique. Il voulait prouver son pouvoir de décider quelle vie peut être ôtée sans homicide, même en-dehors de l'état de guerre ou d'exception. Dans cette décision, se jouait la consistance ultime du pouvoir souverain. C'était au führer de décider de la vie même, et cette décision faisait loi. Dans le premier Etat radicalement biopolitique, le médecin et le souverain pouvaient échanger leurs rôles.

La grande nouveauté du national-socialisme, c'est qu'il veut gérer le capital vivant de la même façon que l'économie ou le capital matériel. Dans ce contexte, la police ne se distingue plus de la politique. La génétique n'est devient elle-même directement politique. Le souci de la vie se fait absolu : il faut maintenir la santé héréditaire du peuple. Une donnée naturelle se présente comme une tâche politique. La vie entière devient sacrée, et toute la politique devient exception.