Le primitivisme est une tendance majeure de l'art du 20ème siècle. Dubuffet a commencé sa carrière de peintre à l'âge de 41ans, après qu'il se soit débarrassé de sa formation académique de jeunesse. Aux moyens formels du primitivisme (dessin maladroit, détails arbitraires, absence de perspective, etc), il a ajouté la crudité des substances (débris, boues, emulsions, etc) et les effets de dépersonnalisation qui le rapprochent de Beckett ou de Robbe-Grillet. L'être humain, anonyme, est absorbé dans un monde minéral.

Dubuffet était convaincu que les idées étaient les ennemies de l'art. L'art vrai devait se détacher de la tradition occidentale. Cela ne l'a pas empêché de multiplier les commentaires de son propre travail et d'en proposer une articulation rigoureuse : hasards contrôlés, détails exagéres, ingénuite factice qui produit un effet de choc et de surprise... Tout cela ressemble à une conférence sur l'art du 20ème siècle. Il s'agit de légitimiser esthétiquement la rhétorique de l'art moderne, au moment où elle dévient une convention acceptable pour le marché (à partir de 1944), de s'intégrer dans la dé-définition de l'art, qui est le principal courant depuis l'impressionnisme. Au défi de l'avant-garde, il faut donner une réponse conventionnelle.