Il y a, dans le prolongement de la bouche ouverte, une fronde qui semble flotter dans les arts. Elle est actionnée, sur le point de lancer quelque chose, mais elle s'est arrêtée là. Rien ne sort du cadre. Quel est l'objet que cette fronde s'apprête à lancer? Supposons que ce soit une voix, cette voix qui est encore coincée dans la bouche du personnage. Elle tente de s'extraire, mais ne se lance pas, et à la place vient un écrit, un peu plus bas : la biographie inscrite du peintre, sa vie racontée, son curriculum vitae. Quelques années sont mentionnées. L'écrit se prolonge en-dehors du dessin comme un hors-champ.

S'il s'agit d'autobiographie, c'est que la bouche est celle de Valerio Adami (on retrouve la même bouche dans d'autres tableaux par lui signés). Il en sort, donc, avec l'aide des mains (les mains du dessinateur, du peintre) une fronde dont il ne sort rien d'autre que le dessin, le tableau, jetés à la face du monde.

La voix d'Adami tient à son style, à sa façon de peindre. Encore plus tôt dans son oeuvre (sa biographie), dans Interview (1963), on en trouve une anticipation. Dans les deux cas, la voix cherche violemment à s'extraire, mais elle reste enfermée dans le tableau.