Une mémoire saturée est menacée dans son effectivité même. S'il y a saturation, c'est qu'on a tendance à renoncer au savoir historique, à rendre illisible l'événement. Comment désaturer la mémoire par autre chose que de l'oubli? Comment réinventer la mémoire? Quel genre d'attention porter à la mémoire visuelle? L'évidence peut aggraver la mésinterprétation.

On peut partir d'une petite chose, d'un objet mineur, micrologique, singulier. Quelle est la lisibilité à cette échelle? Elle dépend du style de regard que l'on porte. Exemple : l'organisation ferroviaire telle que décrite par Raoul Hilberg. La difficulté est de mettre en relation les singularités. La Shoah est une notion absolue et imprécise, qu'on a tendance à hyberboliser. Conceptualiser la Shoah comme concept-limite, c'est contribuer à cette saturation.

Selon Bergson (qui dénonce les faux problèmes), il faut éviter les conceptions trop abstraites. Une véritable lisibilité suggère que la notion bien pensée adhère à son objet, donc à sa singularité, sa complexité, son caractère exceptionnel.

Une locomotive filmée pour le film de Claude Lanzmann, Shoah.

Pour Benjamin, la lisibilité doit s'accommoder de la visibilité. cf le Livre des passages. Le principe du montage est la mise en avant de singularités pensées dans leurs relations : trouver dans l'analyse du petit événement singulier le cristal de l'événement total (contre toute prétention aux concepts généraux ou aux essences). Il caractérise la lisibilité comme faite d'images. Les images ont une marque historique; lire une image est un moment critique périlleux, un point-critique.