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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : en faisant de l'aporie le fond même d'un film | CinéAnalyse : en faisant de l'aporie le fond même d'un film |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 11 février 2023 - |
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CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" | Pandora (Albert Lewin, 1951) - Aporie de l'amour inconditionnel : en exigeant le sacrifice de tout autre intérêt, il se soumet à une condition irréalisable, mortifère |
CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" |
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CinéAnalyse : En disant oui à l'inconditionnel | CinéAnalyse : En disant oui à l'inconditionnel |
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L’histoire du Hollandais volant, telle que réécrite par Albert Lewin1 d’après l’interprétation qu’en avait faite Wagner2, n’a plus grand-chose à voir avec la légende du même nom, apparue vers la fin du 18ème siècle. C’est une histoire d’amour qui n’est pas localisée près du cap de Bonne-Espérance, comme le redoutable navire qui entraîne les autres vers le naufrage et la disparition, mais près du port d’Esperanza3, en Espagne, un endroit improbable où quelques américains4 partagent leur consommation d’alcool dans les tavernes locales, dont Geoffrey, un archéologue, une chanteuse nommée Pandora Reynolds, un champion de course automobile (Stephen Cameron) et quelques autres. La beauté de Pandora5, comme celle d’Ava Gardner6, l’actrice qui l’incarne, est renversante, et renverse effectivement les hommes de passage, dont Stephen, Reggie le poète qui se suicide pour elle dès le début du film, et un toréador célèbre, Juan Montalvo7, qui lui propose le mariage. Comme toute femme fatale qui se respecte, Pandora est indifférente à ces propositions, jusqu’au moment où elle rencontre un autre homme, mystérieux à souhait, le Hollandais volant lui-même, qui dans cette histoire porte le nom de Hendrick Van der Zee8. Ce brave homme, qui n’a pas changé depuis le 17ème siècle, a été maudit pour avoir tué sa femme qui s’appelait déjà Pandora, dans un moment d’égarement où il doutait (à tort) de sa fidélité. Depuis ce moment, il espère le salut, qui ne pourra lui être accordé, d’après la voix intérieure qui lui adresse des messages, que par une femme qui accepterait de mourir pour lui. Dans cette étrange injonction, le meurtre de la Pandora du 17ème siècle ne peut être réparé que par la mort d’une autre Pandora, par exemple celle de 19309 qui ressemble comme une goutte d’eau à la première10. Hendrick Van der Zee aimait sa femme Pandora d'un amour passionné, excessif, illimité. Il a été condamné deux fois pour son crime, la première à mort par le tribunal des hommes, et la deuxième à l’errance perpétuelle par une sorte de surmoi, une voix intérieure s’exprimant au cours d’un rêve, surpuissante, magique11, ayant le pouvoir d’ouvrir les portes de sa prison, de faire voguer son bateau et de le faire vivre éternellement. La seconde peine était pour lui la plus dure, car il aurait préféré mourir. Privé de soulagement, de repos, il devait expier pour toujours le meurtre de la plus innocente des femmes. Il savait ce crime impardonnable, il acceptait un châtiment encore plus sévère que la loi divine, mais il espérait quand même, au fond de lui, que pourrait venir le salut. Il n’avait pas totalement tort car ces mêmes voix l’ont conduit, cette année-là12, à Esperanza. |
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Un crime pire qu’un crime a pour conséquence un châtiment pire qu’un châtiment. Hendrick a soupçonné sa femme de ne pas l’aimer, elle, d’un amour illimité. C’était faux, mais cela prouvait qu’il ne l’aimait pas, lui, de cette façon. Endormi sur son bateau, il a compris que, en plus du meurtre, il était coupable d’un terrible parjure. En prétendant tuer au nom d’un amour total, infini, il avait fait preuve de mesquinerie, de misérable calcul. En doutant de la sincérité de sa femme, il avait jeté le doute sur son propre amour. Sa voix intérieure l’accusait de la pire contradiction : poser des conditions au nom d’un amour inconditionnel. L'attachement jaloux, suspicieux, mesuré, n’était pas à la hauteur de l’idée illimitée de l’amour au nom de laquelle il s’était uni à Pandora. Elle ne l’avait pas trahi, mais lui, il était un traître. L’errance infinie, punition qu’il s’inflige à lui-même, restaure la hauteur de cet amour, son illimitation, son infinité. S’il mourait, il serait délivré de cette malédiction, il rejoindrait Pandora, mais il ne peut pas mourir tant qu’elle, Pandora, n’a pas confirmé l’alliance qui les unit. À une lettre près, le nom Pandora est un anagramme de pardon13. La première Pandora ne pouvant pas pardonner, puisqu’elle est morte, il en faut une seconde, vivante, qui ne peut parler au nom de la première qu’en la rejoignant dans la mort. Dans le cours du film, le narrateur Geoffrey14 répète plusieurs fois la même citation : "L'amour se mesure au sacrifice qu'on est prêt à consentir pour lui". L’amour serait la contrepartie d’une perte, d’une douleur, d’une souffrance. Je dois renoncer à ce qui m’intéresse le plus, à ce qui m’apporte le plus de plaisir et de satisfaction dans la vie, pour être à la hauteur d’un amour absolument désintéressé. Le sacrifice ultime est celui de la vie même. Dans cette étrange logique, quasi- chrétienne, plus je perds, et plus j’aime. Si je ne perds rien, je n'aime pas, et si je perds tout (la vie), j'aime infiniment. Tout se passe comme si l’amour courant ne pouvait qu’être fautif. Pour se délivrer de cette faute, il faut un renoncement. Dans le film, le coureur automobile doit jeter sa voiture à la mer du haut d’une falaise15, et le toréador doit commettre une erreur fatale face au taureau. Ils renoncent à ce qui leur semble être l’essentiel de leur existence, mais la mesure est encore insuffisante pour Pandora. Ils n’ont sacrifié pour elle qu’un objet, un prestige social, et elle, elle n’a rien sacrifié pour eux. Seul le couple qu’elle forme avec Hendrik accède à l’infini du sacrifice mutuel. Dans la conception spiritualiste de Hendrik/Pandora, il ne peut pas y avoir de contrepartie à l’amour. L’exiger, c’est transformer l’amour en système transactionnel. La mort étant par nature inconnaissable, indescriptible, n’opère pas comme contrepartie, mais comme acquiescement. Elle seule est à la hauteur d’une alliance nécessairement tragique. En anéantissant l’amour, elle le sanctifie, mais ne le trahit pas. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 1951.LE.WIN ProPhilosophieGL.KJD ProMortGD.MMP IncondOeuvrerKE.LLK zm.Lewin.1951 Rang = YLewinPandoraGenre = MH - NP |
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