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TABLE des MATIERES : |
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : En laissant se faire le retrait | CinéAnalyse : En laissant se faire le retrait |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 15 juillet 2022 - |
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CinéAnalyse : le désir pervers source de régulation | Les larmes amères de Petra Von Kant (Rainer W. Fassbinder, 1972) - On peut renoncer à la perversion par excès d'amour, demander pardon, mais alors on n'est plus soi-même |
CinéAnalyse : le désir pervers source de régulation |
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Tout se passe dans un intérieur intime et étouffant, comme si c'était l'intérieur de son corps, à elle. Sous une peinture charnelle1, gît une femme désincarnée et pourtant sensuelle (pas un mot dans ce film n'est pas sensuel). Tous sont serviles devant cette célèbre styliste de mode2 y compris elle-même, servile devant sa propre image3. Dans ce monde féminin de l'extrême – extrême maîtrise, extrême séduction, extrême force et extrême faiblesse, le lieu ne se dissocie pas de l’univers mental. Exhibitionniste et perverse, Petra s’identifie à son chez soi qui témoigne de sa réussite. Elle occupe le terrain, mais le film ouvre sur un autre personnage, plus énigmatique4, qui laisse brutalement passer la lumière d’une fenêtre : son assistante Marlene, servante, dessinatrice, esclave, secrétaire, masochiste, voyeuse, et quoi encore ? Marlene fait le travail de Petra et ne demande aucun salaire. Elle supporte toutes les humiliations et ne prononce jamais une parole. Par sa démarche froide, rigide, elle ressemble à une sorte de robot, un golem dont l’obéissance masque des potentialités, des virtualités inconnues. Les autres font semblant de vivre ; elle, elle vit intensément derrière son silence, derrière l'énigme de sa soumission5. Marlene est l'Autre, pur regard, pure écoute, figée comme le fantasme. Tant que son monde et celui de Petra ne communiquent pas, elle reste, mais à l’instant où Petra lui proposera une certaine forme d'égalité – ce qui serait pour elle la vraie soumission -, elle partira. Elle ne hait ni la perversion de Petra, ni sa faiblesse, à condition d’en rester dissociée, irréductiblement séparée. Son humilité apparente masque un orgueil sans limite. |
Petra souriante devant Marlene, qui s'en va.
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Par l’intermédiaire de son amie-ennemie Sidonie, Petra rencontre Karin, jeune femme de 23 ans, aussi cynique qu'elle, qui lui raconte que son père a tué sa mère et s'est pendu. En se présentant comme orpheline – sans qu’on puisse savoir si c’est vrai – Karin laisse entendre qu’elle pourrait désirer une mère de substitution (ce qui n’est pas vrai). En racontant un fait divers horrible, elle se met à la hauteur de la perversion de Petra. Dans l’amour homosexuel à sens unique qui va s’instaurer, Petra fait de la Karin anonyme un mannequin célèbre, en échange de faveurs sentimentales et sexuelles. Karin accepte à condition d’être libre de sortir, de coucher avec qui elle veut. La dissymétrie qui existe entre Petra et Marlene se retrouve, inversée, entre Karin et Petra. Petra devient dépendante de Karin, mais Karin, comme Marlene, garde son autonomie. "On ne peut pas se peloter toute la journée" dit-elle, de plus en plus désagréable et méprisante à l’égard de sa protectrice, jusqu’au moment où, à la suite d’un appel téléphonique, elle décide de rejoindre son mari6. Alors Petra se laisser aller, plus rien ne freine la déchéance. Tout se passe comme si, abandonnée par Karin, elle n’avait plus de point de repère. Le jour de son anniversaire, elle craque. Elle ne supporte ni Sidonie, ni sa mère, ni sa fille Gabrielle, elle les injurie, se saoule, casse la vaisselle, déclare son amour pour Karin, menace de tout détruire, voudrait que tout disparaisse, désire dormir pour toujours, mourir. Les quatre femmes l’observent, silencieuses. Sidonie s’en va, Gaby s’endort, la mère et la fille peuvent parler. La mère parle du père mort, sur la tombe duquel quelqu’un a déposé des fleurs. Petra dit qu’en vérité elle n’aimait pas Karin, elle voulait seulement la posséder. Elle voudrait demander pardon7, mais à qui ? Elle s’est débarrassée depuis longtemps de tous les interlocuteurs8, et les interlocutrices qui restaient sont parties. Il n’y a ni Dieu ni Bacchus pour sauver son monde, et pas même un humain auquel s’adresser. Il ne lui reste que sa propre vacuité9. Calmée, elle dit adieu à Karin10, s’excuse auprès de Marlene qui voudrait lui baiser la main. Parle-moi de ta vie, dit-elle à Marlene. Mais la Petra souriante, apparemment (re)devenue normale, n’intéresse plus Marlene, qui pose sa valise devant elle, la remplit, et s’en va. Dans le noir, Petra va se coucher. Ce film transgressif, violent, c’est aussi (et surtout) l’histoire d’une normalisation. Une petite fille qui déclare son amour à sa mère, une mère et une fille qui se réconcilient, une amante qui finit par rejoindre son mari légitime, une domestique humiliée qui se libère, une fausse amie qui se barre, la tombe du père enfin fleurie, une perverse qui demande pardon, que voulez-vous de mieux ? Tout se passe comme si Fassbinder lui-même avait mis en scène l’absolution pour ses excès – mais nous savons que ça n’est jamais arrivé. Il ne s’est confessé que dans et par le film, ce film-là, et les excès ont continué. Depuis le fond du plan où elle est reléguée, Marlene ne cesse d’observer la scène11. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 1972.FA.SSB NataRetraitKE.LKI InsuPerversionLR.LLM zm.Fassbinder.1972 Rang = ZPetraVonKantGenre = MH - NP |
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