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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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(CinéAnalyse) : en affirmant inconditionnellement l'oeuvre | (CinéAnalyse) : en affirmant inconditionnellement l'oeuvre |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 12 septembre 2021 - |
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CinéAnalyse : En ajoutant un supplément de supplément | Le rayon vert (Eric Rohmer, 1986) - Pour qu'advienne le "oui", il faut se laisser aller à un cheminement vide, vacant, et implorer |
CinéAnalyse : En ajoutant un supplément de supplément |
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CinéAnalyse : En rencontrant l'événement | CinéAnalyse : En rencontrant l'événement |
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CinéAnalyse : en cédant à un film | CinéAnalyse : en cédant à un film |
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CinéAnalyse : en faisant advenir le "oui" de l'autre | CinéAnalyse : en faisant advenir le "oui" de l'autre |
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C'est le film de l'errance, de la supplémentarité, qui ne conduit nulle part (en vacances, c'est nulle part), en passant par chez plein de gens c'est-à-dire aussi chez nulle part. Non-lieu, conversations erratiques. Delphine est charmante, tout le monde est gentil avec elle, mais elle est triste, elle pleure de temps en temps, elle souffre de sa solitude. Il y a plein de choses qui la gênent, qui lui donnent mal au coeur : les balançoires, les bateaux, la viande. Tout le monde est curieux de savoir qui elle est, elle n'arrête pas de se défendre devant des gens qui prétendent vouloir son bien, mais ça n'est jamais ça. Tout ce qu'elle fait, tous les endroits où elle va, tout ça paraît extraordinairement familier, comme si moi, le spectateur, j'étais déjà allé au même endroit. Elle y passe sans raison, sans but. Elle voudrait rencontrer un garçon, mais elle ne fait rien pour que ça arrive. Elle attend et elle pleure. Où qu'elle aille, elle ne peut pas rester là, toute seule, il faut qu'elle parte. Tout le monde est triste qu'elle s'en aille, mais il le faut, il faut qu'elle aille ailleurs. De Cherbourg, elle revient à Paris, et de Paris, elle part à la montagne. Partout on l'accueille, mais elle se promène seule. A peine est-elle arrivée en montagne, elle refuse les clefs qu'on lui tend, elle repart (partie de Paris le matin, elle revient le soir-même). Revenue à Paris, elle dit : "C'est trop dur, partir là-bas toute seule". "Je m'attends à rien, donc je vais bien voir si je vais rencontrer quelqu'un". Elle ne sait pas ce qu'elle va faire, se sent ailleurs, elle pleure. Elle se ballade dans Paris, retrouve une autre connaissance (décidément, pour une fille solitaire, elle connaît plein de monde). Elle est partout en transit en espérant trouver mieux. "C'est les vacances, j'ai encore 15 jours à tirer". Deux fois déjà elle est partie et revenue. Il fait un temps sinistre, elle a vachement envie de repartir. Elle va à Biarritz. Bain de mer, plage, ennui, elle est toujours solitaire. Dans la chambre, elle retire tous les portraits. Elle se promène au bord de la mer, trouve une carte : valet de coeur (bon présage?). Elle entend parler du Rayon vert, un livre (roman sentimental de Jules Verne, publié en 1982). Une histoire d'amour qui se passe en Ecosse. Pour voir la réfraction du rayon vert, il faut que l'atmosphère soit très claire. Elle rencontre une autre fille, une suédoise polyglotte qui aime beaucoup voyager seule car on peut rencontrer beaucoup de gens (dit-elle). La suédoise lui propose d'aller draguer, danser. Delphine répond que son idéal à elle est romantique. Pour elle tout est flou, elle n'est pas opérationnelle, ne fait jamais une chose déterminée pour trouver quelqu'un ou quelque chose. Selon la suédoise, l'homme ne vient pas seul, il faut faire quelque chose. (C'était une époque où les femmes pouvaient encore se promener seins nus sans que personne n'y fasse attention. Mais Delphine, elle, est en maillot une pièce). La suédoise lui explique que les scandinaves sont tous moitié nus, elle est habituée comme ça. Elle repère les beaux mecs. La suédoise est calculatrice, elle joue avec les gens, elle ne montre pas son propre coeur. Delphine pleure. Elle ne peut pas calculer. Le non-calcul, ça conduit aux pleurs. "Je ne suis pas normale" dit Delphine, je ne peux pas continuer comme ça. Deux garçons arrivent. Delphine ne participe pas à la conversation. Elle ne dit rien, fait la gueule. Delphine est triste dit le garçon. La conversation est insupportable pour elle (trop banale, sans contenu, nulle). Elle s'en va, se sauve. Un garçon (lui aussi muet) court après elle. Le garçon est seul lui aussi, lui non plus ne connaît personne. Elle se sauve en courant. (Pourtant, ici comme ailleurs, tout le monde est gentil avec elle). Elle décide de rentrer à Paris, arrive à la gare. Un autre garçon s'assied près d'elle (Vincent). Elle lit "l'idiot" de Dostoiewski. Ils se sourient. Enfin le type lui plait (il se passe cette chose indéfinissable dont lui parlait la suédoise). Vincent est ébéniste, il va de stage en stage (une autre errance). "On a un peu le cafard dans les gares" dit-il. C'est elle qui demande qu'il l'emmène à St Jean de Luz. Elle se méfie des garçons, mais lui, il est une exception. "C'est rare que je rencontre un homme et que j'ai envie de lui donner quelque chose" (sous-entendu : de me donner, moi). "J'ai décidé de rester seule tant que je n'aurai pas trouvé quelqu'un...". Elle se confie, elle dit ce qu'elle a sur le coeur. Elle parle, ne peut pas s'arrêter de parler (il fallait que ça sorte). Ils passent devant un magasin qui s'appelle "Le rayon vert". C'est incroyable, dit-elle. Vincent lui propose de passer quelques jours à Bayonne avec lui. Elle se méfie. Elle lui demande d'attendre un petit peu, lui explique ce que c'est que le rayon vert. Elle pleure, il la console, ils regardent, et alors il arrive : un rayon très court, une fraction d'instant.
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Le moment, unique, où survient le rayon vert. (Il survient rarement, sans prévenir, comme le rire ou les pleurs).
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Il faut que Delphine pleure. Chaque moment du film se termine par un moment d'abandon irrépressible, d'imploration. Les pleurs appellent la rencontre qui ne vient pas. Il faut qu'il vienne, enfin, il faut qu'un tout autre le fasse venir. Ce film n'était pas écrit à l'avance, il a été en partie improvisé par l'actrice Marie Rivière (co-scénariste). Ses pleurs sont le signe, la marque de l'imprévisibilité, de l'incertitude qui crée l'ambiance et affecte le personnage. La rencontre est appelée dès le départ. Demandée, implorée, elle aurait pu ne jamais avoir lieu. Elle arrive par surprise mais pas sans un acte, une initiative de la part de Delphine qui décide de se confier à Vincent. Elle lui fait confiance, lui raconte ses amours, ses sentiments. Réussite ou échec ? Il faut que le verdict vienne d'ailleurs, d'un phénomène apparemment "indépendant de sa volonté" : le rayon vert. On dit que quand ce rayon apparaît, alors les sentiments de l'autre deviennent transparents - comme si le rayon effaçait la tricherie, le mensonge. Avant de partir en vacances, elle ne savait strictement rien du rayon, mais elle s'intéressait déjà à la couleur verte : une carte à jouer, un poteau, une 4L, la tenue de sa copine Françoise, une prophétie d'un medium, son chemisier puis sa robe, le roman ce Jules Verne et enfin la boutique dont le nom est identique au titre du film. En tant que couleur, le vert n'a pas de sens particulier. Il indique quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Il est désiré, attendu, mais il arrive toujours par surprise. Il provoque chaque fois une flambée d'affect, une émotion qui culmine dans sa toute dernière irruption, après la disparition du soleil. À ce moment, dans les dernières secondes du film, le spectateur est convié lui aussi à pleurer - si tu ne pleures pas, c'est que tu n'as rien compris, mais vraiment rien du tout, mais d'un autre côté quand tu pleures, tu ne sais pas pourquoi. Le rayon vert n'est pas la fin de l'histoire, c'est la fin du film, c'est son arrêt. On ne peut pas savoir ce qui arrivera après. Delphine pourra refuser la proposition de Vincent de partir avec lui quelques jours, ou l'accepter - elle reste libre. Et finalement (s'il faut une fin), Marie Rivière rencontrera Roger Knobelpiess. Etrange épilogue hors-champ, après le film, au-delà du film. Roger Knobelpiess est acquitté par François Mitterrand en janvier 1986, l'année même du film, et arrêté de nouveau après un braquage le 6 avril 1987. Il ne sortira définitivement de prison qu'en août 1990, après avoir eu avec Marie Rivière un fils, François (né en 1989). Elle raconte dans son livre Un amour aux assises qu'elle est tombée amoureuse pendant le procès. Il est permis de tout imaginer, par exemple que Roger Knobelpiess représente l'aboutissement du film (hors film). |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 1986.RO.HME OeuvrePerfDR.KKJ CineSupplementGN.KJD CineRencontreHI.LHI CinePerfFE.LEF CineOuiGH.KJD zm.Rohmer.1986 Rang = YYRohmerRayonVertGenre = MH - NP |
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