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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 3 octobre 2020

 

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CinéAnalyse : tu dois mourir vivant

Stardust Memories (Woody Allen, 1980) - Là où je signe, j'accepte de mourir, mais là où je ne signe pas, pour longtemps, je suis encore vivant

CinéAnalyse : tu dois mourir vivant
   
   
   
CinéAnalyse : métacinéma et mise en abyme CinéAnalyse : métacinéma et mise en abyme
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Woody Allen se présente sous le nom de Sandy Bates comme un cinéaste incapable d'aimer, incapable de créer, incapable de partager la souffrance des autres, et le résultat de cette triple incapacité est un film de Woody Allen - qui ne résoud aucun des problèmes posés sauf celui de la création. En prolongeant la paralysie du huitième film et demi de Federico Fellini - un film qui n'en est pas un, un demi-film qui est plus qu'un film car il se met lui-même en abyme et aussi tous les autres films, il s'interroge sur ce qu'il fait. Mais tandis que le héros de Fellini se décompose ou désagrège à la fin, tandis qu'il démolit les décors pour libérer les acteurs, les producteurs, les figurants, les techniciens, les musiciens qui se donnent la main, le héros de Woody Allen reste lui-même jusqu'au bout, y compris dans la scène de sa mort où la question de savoir s'il meurt vraiment reste indécise. Sandy Bates ne renonce pas au cinéma. Sa propre mort n'est pas un passage, elle reste cinématographique, juste un sketch de plus, une fiction, une occasion supplémentaire de se moquer du cinéma sans s'en moquer. C'est une scène d'effacement provisoire sans laquelle il n'aurait pas pu revenir. Il aura fallu, pour continuer à exister comme cinéaste, mourir sans mourir.

"X sans X" pourrait être la formule de ce film : cinéma sans cinéma, humour sans humour, amour sans amour, mort sans mort, film sans film, etc. La célébrité est le fil directeur de cet auto-effacement. Le réalisateur est une star, il ne cesse de répondre à des questions et de signer des autographes, mais c'est une star éclatée, dispersée, une poussière de star. Stardust, c'est littéralement de la poussière d'étoiles, une expression utilisée couramment pour les artistes dans la culture américaine, especially in the context of success in the world of entertainment or sports, a magical or charismatic quality or feeling. Sandy Bates est une star charismatique dont le charisme peut s'anéantir en un instant et partir en poussières d'étoiles.

Le titre du film fait allusion à la pièce Star Dust (en deux mots), enregistrée en 1931 par Louis Armstrong & his Orchestra, dans laquelle le trompettiste chante Oh Memory trois fois de suite.

Il y a de très longs et très beaux regards-caméras de Charlotte Rampling, après la scène de la mort, comme si elle regardait la mort. C'est nous qui la regardons comme actrice (elle se regarde elle-même comme actrice, spectatrice de ce film où les rôles sont brouillés).

 

 

Pour analyser ce film, on pourrait partir d'un geste qui se répète à de nombreuses reprises : l'autographe. On nomme autographe une "lettre, document ou simplement signature écrits de la main même d'une personne célèbre" (CNRTL). L'autographe est étroitement lié à la célébrité. La valeur de l'autographe que la personne célèbre est supposée adresser personnellement, voire nommément, à un de ses admirateurs, tient à son unicité. En multipliant les autographes dans le film, Sandy détruit cette unicité, il se transforme en machine, en automate blagueur commandé par les studios qui mettent la touche finale à ses films. Tout se passe comme s'il n'était plus là quand il signe, comme si c'était pour lui un moment d'effacement, de disparition, de petite mort. Vous voulez avoir ce petit bout de ma personne? Vous l'aurez, mais ce sera un ersatz, une imitation. Cette trace ne témoignera pas d'un vivant, mais d'un mort. Dans cette perspective la scène de décès qui coupe court à ces autographes n'est pas surprenante, c'est la conséquence logique de l'autographe.

Le Sandy machinique masque un Sandy vivant qui hésite entre trois femmes. Ce Sandy vivant ne peut pas s'identifier au Sandy Bates réalisateur, qui est pour lui un étranger. S'il fait un film, ce ne sera pas le même film, ce sera un film dans le film, un film d'incertitude, de souffrance et d'impuissance, un film qui n'intéressera personne, un film qui sera déjà mort avant même d'avoir été tourné. Les critiques ont horreur de ce film-là, ils le détestent. La mise en abyme, ce n'est pas seulement que Woody Allen tourne un film sur un clone de Woody Allen tournant un film, etc. La mise en abyme, c'est que ce ne sont pas les acteurs qui sont filmés (et ridiculisés), mais les spectateurs. Les regards caméra dédaigneux de Dorrie - Charlotte Rampling ne sont pas seulement des allusions savantes à la Monika d'Ingmar Bergman ou au Michel de Jean-Luc Godard dans A bout de souffle, ce sont des allusions à cet autre film dans le film où Woody Allen met en scène la stupidité ou la naïveté de ses admirateurs. Nous sommes aussi des demandeurs d'autographes en attente d'acquiescement de la machine - Sandy Bates. Nous croyons voir un film ou un film dans le film, mais c'est un autre film dans le film que nous voyons, où nous n'avons pas le bon rôle.

Quand Woody Allen proclame alternativement : Je suis vivant, mais je suis mort; et Je suis mort, mais je suis vivant, il ne fait pas appel à sa célébrité du moment, mais à sa postérité. Il est significatif que la mise en abyme commence après sa mort. S'agit-il du même Sandy, ou d'un autre? De celui des films comiques, ou de l'autre ? Du Sandy vivant ou d'un fantôme ? Ce n'est probablement pas là l'essentiel, et d'ailleurs tout est fait dans le film pour préserver l'incertitude. Ce qui compte, c'est que les spectateurs se voient, et que parmi eux, on trouve les trois femmes de Sandy. Tout se passe comme si leur présence était déconnectée de leur relation avec lui. Elles existent hors de lui, sans lui, indépendamment de sa présence. Qu'il vive ou qu'il meure, c'est la même chose, on parlera toujours de lui à la troisième personne. À partir de là, il ne cédera que parcimonieusement sa signature, qui commencera à compter.

Pitch :

Cinéaste reconnu et admiré, Sandy Bates (Woody Allen) traverse une crise existentielle. Lassé de n'être considéré que pour son humour, il ne supporte plus les exigences de ses admiratrices et les critiques de l'intelligentsia new-yorkaise. Il profite d'un festival organisant une rétrospective de son œuvre pour faire le point sur sa vie de créateur et ses relations amoureuses, partagées entre Dorrie (Charlotte Rampling), son actuelle petite amie, aussi inaccessible que perturbée, Isobel (Marie-Christine Barrault), une Française souriante et bien dans sa peau, et Daisy (Jessica Harper), jeune femme mystérieuse, douce et passablement droguée.

Résumé :

On entend le tic-tac d'une montre. Sandy voyage dans un train de banlieue avec des gens tristes et silencieux. Dans un autre train, des gens joyeux font la fête. Une ravissante blonde lui envoie un baiser (c'est la première apparition au cinéma de Sharon Stone). Sandy se lève et les deux trains démarrent dans des directions opposées. Pris de panique, il voudrait passer dans l'autre train, demande au contrôleur puis, dans l'indifférence générale, cherche à arrêter le train. Peine perdue. On arrive dans une décharge où les passagers des deux trains descendent et se croisent.

Des critiques discutent du dernier film de Sandy. Ils sont tous négatifs : il a perdu l'esprit, il n'est plus drôle, il est morbide, etc. Puisqu'il a le don du comique, il devrait éviter de montrer sa souffrance.

Dans sa Rolls, Sandy parle au téléphone avec sa mère. Une foule de personnes s'adresse à lui pour essayer de le convaincre d'aller à un festival organisé en son honneur. Sandy ne veut plus faire de films comiques. On ne peut pas l'obliger, dit-il. Il ne se sent pas drôle au moment où le monde s'écroule. On voit sur le mur la photo agrandie du Vietnamien qu'on assassine. Il n'y a que la musique de jazz qui puisse le calmer, ou la conversation avec Dorrie, tellement plus belle et impressionnante que lui. Elle ne sait pas faire la cuisine, elle prend du lithium, mais ils s'embrassent. La cuisinière met le feu au four.

Invité par un club d'une petite station balnéaire de Long Island, Sandy arrive à l'hôtel Stardust. Il y rencontre la foule de ses admirateurs, qui adorent ses films comiques. Il pense à son enfance. Il téléphone à Isobel. Il répond aux questions du public. Tout le monde éclate de rire à ses blagues. Il pense à Dorrie. Intermèdes musicaux. Quelqu'un lui présente Daisy. Il la voit partir avec un autre homme, puis l'accompagne dans une fête foraine. Il retrouve Dorrie chez lui devant une reproduction des Marx Brothers. Il vante son charisme. Un pigeon est rentré chez eux. Il essaie de s'en débarrasser. Il y a une fille chez lui qui veut coucher avec lui. Elle est mariée, son mari aussi est un admirateur. Nouvelle séance de questions des admirateurs.

Isobel arrive. Elle a laissé son mari français pour lui. Elle est venue avec une bouteille de vin et des chaussettes blanches. Les enfants vont la rejoindre demain. Il retrouve Daisy dans une salle de projection. Elle a fait un rêve étrange. On lui demande sans arrêt des autographes. Il se dispute avec Dorrie. Il rend visite à sa soeur avec Isobel. Une foule de femmes l'accueille. Isobel regarde l'album de photos. Il veut bien se marier avec Isobel mais il hésite à se charger aussi les enfants. Il parle de mai 68 avec Isobel. La police arrête son chauffeur.

Pendant qu'Isobal se coiffe, il lui dit qu'il ne peut pas se passer d'elle, elle est la femme parfaite pour lui. Elle n'est pas sûre de ce qu'elle veut faire. En réalité il est incapable de s'arrêter sur une femme. Il discute avec son producteur, puis avec un ami d'enfance, mais la seule chose qui compte, ce sont les femmes.

Il proteste parce que la fin de son film a été changée. Il entend Daisy qui ne va pas bien du tout. Elle parle de sa relation avec un autre homme. Il va dans un café avec Isobel et ses enfants. Les gens sont surpris de voir qu'il a des enfants blonds. Un éléphant passe dehors sur la plage. Dorrie lui fait des cadeaux d'anniversaire. Au cinéma, il voit un film italien avec Daisy (Le voleur de bicyclettes, Vittorio de Sica, 1948) - justement le genre de film qu'il ne fait pas. Il rencontre une actrice qui jouait le rôle de sa mère. Habillé en curé, il essaie de convaincre Dorrie qu'elle est belle, qu'elle peut faire l'actrice. Puis Daisy dans sa voiture. Il lui dit qu'elle ressemble à Dorrie. Panne de voiture (la Rolls). La nuit tombe. Musique à la Fellini. Une autre foule d'admirateurs. Il signe des autographes. Il fait un tour de magie (Daisy en lévitation).

Le visage de Dorrie. Elle regarde Sandy, mais c'est nous qu'elle regarde? Longue série de regards caméra. Elle lui parle, elle pleure, dit des choses incohérentes. Tu cherchais la femme parfaite et tu es tombé amoureux de moi. Elle dit qu'elle ne sent rien, ne peut rien sentir, lui demande s'il est avec quelqu'un d'autre. Elle rit nerveusement, inquiète de son look.

Il pose des questions à une créature extra-terrestre. Doit-il continuer à faire des films comiques? L'extra-terrestre lui conseille de laisser tomber Dorrie et d'aller avec Isobel, sur laquelle il peut compter. Musique à la Fellini, passage de dirigeables. Ils atterrissent dans une foule joyeuse. Il est avec Daisy qui dit qu'elle a des problèmes terribles avec les hommes. Elle n'est qu'un problème, dit-elle. Il est fatigué. Crépuscule. Il ne veut pas se marier, ne veut pas d'une famille. Bruit de sirène, coup de feu, on l'emmène dans un hopital. Il est mort, dit-on, sans avoir trouvé le sens de la vie. Un psychanalyste parle de lui au passé. On raconte sa vie, sa soeur parle de lui quand il a joué le rôle de dieu. Mais le voici qui revient : mort ou pas mort ? Il remercie pour la récompense qu'on lui a donnée à l'issue du festival. Il parle de lui-même peu avant sa mort. Il raconte un souvenir. Il était avec Dorrie en écoutant Louis Armstrong. La beauté de Dorrie pendant que Louis Armstrong chante. Nouveau regard caméra de Charlotte Rampling. Elle regarde Sandy (nous regarde) longuement. "My stardust Melody", Armstrong le chante trois fois. A son réveil, Sandy confond Dorrie et Isabel.

On a trouvé un pistolet dans la voiture. Il se retrouve en prison. Isobel s'en va avec ses enfants. Il essaie de la convaincre de rester (sans conviction). Elle va prendre un train (le film qui a commencé par une scène de train se termine par une scène de train). Ils s'embrassent, le train part, les spectateurs applaudissent comme si c'était la fin d'un film. Tout le monde discute du film. Dorrie, Daisy et Isobel sont dans la foule. Elles parlent de lui. Ses parents sont déçus par le film. Sandy seul dans la salle ramasse ses lunettes de soleil, qui étaient par terre. Fin du film, et aussi du film dans le film.

 


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zm.Allen.1980

Rang = ZUAllenStardust
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