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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 6 septembre 2020

 

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Essai : dette, économie, anéconomie

Tenet (Christopher Nolan, 2020) - Là où ça décide, dans l'avenir, bénédiction et malédiction se confondent

Essai : dette, économie, anéconomie
   
   
   
                 
                       

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Titre palindronomique, le mot tenet signifie en anglais principe, fondement, précepte, ou encore, quoique plus rarement, doctrine ou dogme. Ce titre est une trouvaille, puisque le récit autour duquel le film s'organise est fabriqué à partir d'un principe de retournement ou de réversion temporelle inscrit dans la forme du mot. On trouve aussi le mot latin tenet, du verbe tenere (tenir), dans le carré magique Sator contenant le palindrome latin répandu à l'époque romaine SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS, qui peut se lire de haut en bas, de bas en haut, de gauche à droite et de droite à gauche. La traduction est incertaine, mais ce pourrait être, pour les chrétiens : Le créateur, par son caractère terre à terre, maintient l'œuvre de rotation.

Il s'agit moins de raconter une histoire que de proposer un exercice de style, une abstraction rigoureusement organisée, un formalisme qui rappelle étrangement le nouveau roman des années 1950-60. C'est une sorte de jeu, un exploit technique qui reprend des thématiques dont on peut dire (au minimum) qu'elles sont ressassées, banales, rebattues, voire éculées : un méchant type atteint d'un cancer qui veut attirer dans sa mort toute l'humanité, une sorte de James Bond black, un unique personnage féminin (Kat) aussi caricatural que possible, motivée uniquement par sa sensibilité et l'amour de son fils, et pour le reste du récit uniquement des hommes, tous impliqués dans une action virile, un combat dans lequel la nuance et la psychologie n'ont aucune part. En résumé : un héros sans nom, une héroïne sans substance, pour un film vide, inhabité. Nolan se désintéresse de l'actualité, son apocalypse est à peine environnementale et très peu politique, elle raconte une fois de plus la folie d'un homme qui transforme une technologie en arme d'auto-destruction, dans la lignée classique du docteur Folamour.

Un détail devrait pourtant attirer notre attention : le personnage principal, qui semble manipulé de tous les côtés, n'a pas de nom. Wikipedia le nomme : le protagoniste. Tous les autres personnages ont un nom et plus particulièrement le méchant (Sator), mais pas lui. Cet anonymat laisse à penser qu'il n'est pas une personne, mais un mécanisme, le produit d'une logique qui n'arriverait pas vraiment à s'incarner.

Comme on adore Christopher Nolan, on espère que cette mise en scène n'est pas totalement sérieuse, qu'il y a quand même dans cette affaire un peu d'autodérision et d'humour - quoique parfois on en doute.

Deux véhicules qui roulent simultanément en sens contraire et dans la même direction.

 

 

Ce film circulaire sorti une année dont le chiffre est lui-même circulaire (2020), l'année du covid (co-vide), creuse peut-être en lui autre chose, une chose que la circularité n'épuise pas. L'enjeu, c'est de démontrer que la circularité, en circulant, peut produire autre chose que du circulaire. Pour aller au bout du principe-tenet, il fallait un cinéaste extrêment rigoureux, capable de ne jamais céder sur ses principes, même si le message venu de l'avenir ne se conformait pas exactement à sa programmation. Le postulat du film, c'est que, dès le départ, quelque chose arrive depuis l'avenir; mais ce quelque chose n'est pas homogène, il est divisé, partagé :

- A : une scientifique (femme) a mis au point un algorithme basé sur la radioactivité, capable d'inverser l'entropie des objets et des corps. Si on met en œuvre cet algorithme, tous les vivants présents à ce moment-là meurent, mais on peut revenir en arrière, à une époque où la terre n'avait pas encore été rendue invivable. Effrayée par cette invention, cette scientifique dissimule son algorithme dans le passé et se suicide. Mais un groupe d'hommes (nommons les les activateurs) n'est pas d'accord et voudrait quand même utiliser l'algorithme. Ce sont eux qui recrutent Sator. Ils l'achètent avec des lingots d'or qui lui permettent de vivre dans le luxe, et en contrepartie il s'engage à mettre en oeuvre l'algorithme, ce qui n'implique non seulement sa propre mort - fatale de toutes façons puisqu'il est atteint d'un cancer -, mais aussi la mort de tous les humains de son temps, y compris bien sûr sa femme et son fils. C'est cet événement qui est considéré comme pire encore qu'une guerre nucléaire. Les activateurs veulent le bien des humains de leur temps au prix de la destruction des humains du passé.

- B : un autre groupe d'hommes (nommons les les Tenet) est décidé à empêcher cette manoeuvre qu'ils jugent immorale, car elle implique le génocide de tous les humains du passé. Le protagoniste appartient à ce groupe qui est capable d'utiliser l'algorithme. Neil aussi appartient à ce groupe, et tous deux peuvent circuler entre présent et futur. En empêchant Sator de remplir sa mission, le protagoniste évite la destruction des humains du présent. Sous cet angle il fait le bien, mais il rend aussi inéluctable le processus par lequel la vie sur terre sera rendue invivable. En faisant le bien de l'humanité d'aujourd'hui, il fait le mal de l'humanité comme espèce.

La seule façon d'éviter que la terre soit rendue invivable aurait été de détruire toute l'humanité actuelle sur l'ordre de l'avenir. C'est un paradoxe, car comment peut-il y avoir une humanité à venir s'il n'y a plus d'humanité actuelle? C'est aussi la limite de notre compréhension, la raison pour laquelle la scientifique s'est suicidée. Le méchant Sator, qui n'hésite pas à entraîner son fils dans la mort, aurait été l'instrument de ce programme. S'il avait réussi, l'avenir aurait détruit son propre passé - mais justement il ne le détruit pas. En préservant son passé, l'avenir accepte de préserver le sens habituel de l'entropie, qui conduit à sa propre destruction.

Si la catastrophe écologique est inéluctable, si la machine de destruction climatique est impossible à arrêter, le seul moyen de l'éviter est de détruire l'avenir. C'est ce que tentent de faire les hommes du futur. Ils ont inventé un algorithme qui leur permet de revenir dans le passé non pas pour changer le cours des choses, pour éviter la catastrophe, mais pour détruire le monde. La catastrophe future est évitée par une autre catastrophe encore plus grande. Sous cet angle on peut rapprocher le film de La Jetée - avec un extraordinaire contraste entre les très faibles moyens de Chris Marker en 1963 et la débauche de moyens de Christoher Nolan en 2020. Il y a pourtant entre les deux moins d'une soixantaine d'années - tout un monde.

Si nous sommes dès le départ redevables d'une dette qui vient de l'avenir, tout ce que nous pouvons espérer faire, c'est solder cette dette pour revenir à notre point de départ. En effaçant la dette, nous évitons la malédiction venue du futur. En agissant ainsi, les hommes du futur ne font pas le bien, ils font encore pire que le mal. Sator, ce texte circulaire qui peut se lire dans tout les sens, est intrinsèquement mauvais car il ne permet jamais d'échapper à sa condition. Mais si l'on se détache de l'idée que le bien est nécessairement associé à la survie, si l'on admet qu'il puisse y avoir du bien dans la victoire de l'entropie, alors Sator n'est pas mauvais. L'inversion de l'entropie ramènera enfin le calme suprême. Cette inversion, paradoxalement, se mettre au service de l'entropie considérée comme réduction inéluctable de la tension.

Pourquoi faut-il autant de violence, de destructions, pour montrer une chose aussi basique que la circularité ? Le retour sur soi-même, c'est-à-dire la pure répétition comme telle, qui n'est pas porteuse d'avenir, est une violence. Il ne suffit pas de répéter pour montrer la violence de la répétition, il faut en plus de la violence physique.

Ce n'est pas un hasard si l'algorithme est supposé avoir été inventé à la fin de l'union soviétique : ce régime qui devait conduire vers un avenir radieux n'était porteur que d'un terrible retour au passé, comme on le voit aujourd'hui avec Poutine. Un semblant d'avenir, un avenir-leurre, transformé en avenir - fin absolu (unique), l'exact symétrique d'un passé - origine (unique). L'idéologie linéaire du communisme soviétique, ancrée dans la métaphysique, produisant un seul avenir, qui doit être partagé par tous au même moment.

Autre circularité : pour que le coût très important du film (250M$) soit couvert, il faut beaucoup de spectateurs. 50M$ ont effectivement été récupérés dès la première semaine. On ne sait si la circulation du capital financier redouble ici la narration, ou l'inverse.

Si l'on voulait un film pris dans la circularité d'Hollywood en même temps que dans sa propre circularité, c'est réussi; mais si l'on désire un film renouvelant les paradoxes du temps, c'est plutôt léger. Il est difficile d'accepter que cette expérience de pensée d'un des réalisateurs les plus intelligents de l'époque ne débouche sur rien, absolument rien, ou rien d'autres qu'elle-même. Un monde est sauvé, mais ce monde abstrait est dépourvu de monde.

Résumé (Wikipedia modifié) :

Un agent de la CIA anonyme surnommé "le protaniste" (c'est le terme utilisé dans le scénario, "The Protagonist"), s'infiltre au sein d'une opération clandestine russe : le vol d'un objet mystérieux durant une prise d'otage dans un opéra à Kiev. Il est sauvé par un agent masqué, avec comme signe distinctif une lanière rouge sur son sac à dos. Les agents russes le capturent et commencent à le torturer. Il préfère se suicider en croquant une capsule de cyanure plutôt que de leur fournir des informations. À son réveil, il apprend que la capsule était fausse et que cette mise en scène était un test, en vue de le recruter pour une opération spéciale. On lui donne très peu d'information, dont le mot tenet. Il rencontre Laura, une scientifique, qui lui montre des objets dont l'entropie est inversée : par exemple, une balle qui revient dans le pistolet dont le magasin était vide. Il apprend qu'une menace venue du futur plane sur l'humanité, qui pourrait mener à une 3e guerre mondiale, pire encore qu'une guerre nucléaire.

Après avoir recruté Neil, un autre agent, pour l'aider à découvrir qui est à l'origine de la menace, le protagoniste rencontre Priya, une femme indienne. Celle-ci lui révèle que les balles inversées viennent d'un milliardaire et marchand d'arme russe nommé Sator qui communiquerait avec le futur. Afin de rencontrer Sator, le protagoniste conclut un accord avec Kat, l'ex-femme de Sator. Elle lui explique être victime d'un chantage de la part de son ex-mari. Elle l'a trompé dans son métier d'experte en lui faisant acheter une peinture faussement attribuée à Goya, ce qui pourrait la conduire en prison. Sator l'empêche de voir leur fils. Elle mentionne leurs vacances au Vietnam, où après une dispute elle aurait aperçu une femme plonger du yacht de son mari et exprime son désir d'être comme cette femme, "libre". Si le protagoniste réussit à détruire le tableau, qui est stocké dans le port franc de l'aéroport d'Oslo, Kat lui promet de lui faire rencontrer Sator.

Le plan élaboré par Neil est de faire exploser un avion en le précipitant vers le hall de stockage. A l'intérieur, Neil et le protagoniste ne trouvent pas le tableau mais tombent sur un tourniquet à deux sorties séparées par une vitre. Deux hommes masqués sortent du tourniquet. Le protagoniste combat contre l'un d'entre eux, qui s'avèrera être lui-même en temps inversé. Cet homme parvient à s'échapper..

Le protagoniste parvient à rencontrer Sator qui essaie de le tuer, mais accepte de lui sauver la vie en échange du plutonium dont il a besoin pour arriver a ses fins. Ce qui arrive quand le protagoniste récupère le plutonium est difficile à décrire : une course poursuite sur une autoroute à Tallinn face à des voitures en temporalité inversée. Dans l'une d'enetre elles se trouve Sator, qui retient Kat en otage. Le protagoniste est obligé de donner la mallette censée contenir le plutonium pour sauver Kat mais finalement se fait capturer par les hommes de Sator. Voyant que la mallette ne contient pas le plutonium, Sator force le protagoniste à parler en menaçant de tirer sur Kat. L'arrivée des forces spéciales oblige Sator et ses hommes à s'enfuir par le tourniquet. Le protagoniste découvre par Neil et Ives, le chef des forces spéciales, que les tourniquets sont une technologie permettant de voyager dans le temps en sens inverse et que cela permet à Sator d'avoir toujours un coup d'avance. Ives explique que le seul moyen de sauver Kat, touchée par une balle inversée, est de remonter dans le temps.

Le protagoniste, Neil et les forces spéciales prennent le tourniquet pour revenir en arrière. Sator finit par s'emparer du "plutonium", qui se révèle finalement être une des neuf pièces de l'algorithme contenant la formule de l'inversion. Lorsque toutes les pièces sont assemblées, cela inverse l’entropie de la Terre et provoque la fin du monde. Ayant un cancer, Sator relie la bombe à son coeur : s'il meurt alors il entraîne tout le monde dans la mort, ce qui permettra aux générations futures de revenir dans le présent et de profiter de la Terre avant qu'elle ne soit détruite par les changements climatiques. Pour guérir Kat, le protagoniste et Neil doivent de nouveau pénétrer dans l'aéroport d'Oslo mais cette fois-ci en sens inverse pour accéder au tourniquet du hangar. Le protagoniste masqué, pénètre dans les lieux et s'ensuit un combat contre le protagoniste non-masqué venant détruire le tableau. Le spectateur comprend alors que le protagoniste se battait contre lui-même.

Une fois Kat sauvée, ils décident, avec les forces spéciales, de tout mettre en œuvre pour arrêter Sator. Ils choisissent alors de retourner dans le passé sur la ville soviétique de Stalsk-12 pour y récupérer l'appareil produisant l'algorithme. Pendant ce temps et pour que l'opération s'effectue comme prévu, Kat retourne sur le yacht pour empêcher le suicide de Sator. Celui-ci avait décidé de revenir au Viet pour y finir sa vie. Arrive alors la bataille finale où le protagoniste et Ives se retrouvent dans un souterrain où derrière une grille se trouve l’algorithme, avec au pied un homme mort portant un sac à dos avec une lanière rouge. L'homme mort se relève et sauve le protagoniste en se prenant la balle qui lui était destinée, on comprend alors que cet homme est inversé en le voyant ouvrir la grille et quitter le souterrain en marche arrière. Kat finit par tirer et tuer Sator, et plonge du Yacht : elle est la femme "libre" qu'elle avait vue elle-même au début du film. Le protagoniste et Ives sont sauvés in extremis de l'explosion du souterrain par Neil. Le protagoniste remarque alors la lanière rouge sur le sac de Neil et comprend que c'est lui qui l'a sauvé pendant la prise d'otage à l'Opéra et qu'il va alors remonter dans le temps jusqu'à la bataille finale pour se sacrifier en ouvrant la grille à temps. Lors de leur dernier échange, Neil révèle avoir été recruté par le protagoniste dans sa version du futur, et qu'il a été envoyé dans le passé pour le sauver et l'accompagner tout au long du film.

À la fin du film, le protagoniste empêche Priya de tuer Kat. C'est lui, le protagoniste, qui sera à la tête des forces spéciales dans le futur. Le dernier plan montre Kat et son fils Max, enfin réunis et libérés de Sator.

 


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