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NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : tu dois mourir vivant | CinéAnalyse : tu dois mourir vivant |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 30 avril 2020 - |
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Avec ce monde je meurs, pour vivre encore | Camille (Boris Lojkine, 2019) - "Il faut mourir vivant", dit la photoreporter - il en résulte, pour l'autre, un film et d'autres traces |
Avec ce monde je meurs, pour vivre encore |
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CinéAnalyse : en donnant corps à un pas - au - delà de l'être | CinéAnalyse : en donnant corps à un pas - au - delà de l'être |
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Le film se présente comme un témoignage de trois expériences distinctes : celui d'une jeune femme nommée Camille, celui d'une photoreporter nommée Camille Lepage, celui d'une européenne sympathisant avec des africain.e.s pris dans une terrible guerre. Pour la première, c'est Camille au centre de l'écran (une large partie du film); pour la seconde, c'est l'omniprésence de l'appareil photo dans et devant les scènes reconstituées; pour la troisième, c'est le tournage sur place avec un mélange de comédiens amateurs et professionnels. Dans les trois cas, une double question est posée : Qui témoigne ? Qui regarde ? Le film mélange des images d'origines différentes : archives, photos originales de Camille Lepage, documents, prises de vues quasi documentaires, reconstitutions. Pour homogénéiser l'ensemble, le format retenu est celui des photos de Camille : 1.5. L'opacité de cette hybridation (impossible, pour le spectateur, de deviner ce qui vient d'une source ou d'une autre) dit une certaine vérité du journalisme : tout reportage est une fiction, et il y a dans toute fiction des traces de réel. Nina Meurisse ressemble tellement à Camille Lepage qu'on ne fait plus la différence, et pourtant il y a une différence. Cherchez le montage, cherchez l'erreur. Le spectateur est invité à partager le regard de Camille : témoin impuissant, reporter consciencieux, occidental culpabilisé auto-érigé en juge d'une situation qui le dépasse. Comme elle, nous ignorons l'histoire du pays, les sources du conflit, les raisons de cette guerre. Le film ne cherche pas à faire illusion. C'est du journalisme et ce n'est que du journalisme. On ne dépasse jamais le strict niveau "factuel" (au sens des médias), avec empathie du moment et psychologie rapide. Ce n'est ni un film militant ni un film d'analyse. L'émotionnel prévaut sur le politique. Comme Camille, le spectateur est transporté en moto dans un monde qui n'est pas le sien. Tant qu'ils sont étudiants, les jeunes parlent français, mais dès qu'ils combattent, ils parlent la langue locale (le sango) à laquelle nous n'avons accès que par les traductions ou les sous-titres. Ils en veulent à l'ancienne colonie, mais on ne saura pas vraiment pourquoi. Le spectateur ignore tout des pensées et des intentions de la véritable Camille. S'il partage une posture, c'est celle du réalisateur : se retirer devant ce que des traces photographiques laissent supposer d'un regard. La neutralité très construite du cinéaste répète celle de la jeune femme. C'est ce qu'on appelle de l'information brute, un pur artefact d'images et de sons fait pour ressembler à l'image qu'on se fait d'une réalité. La restitution est si efficace que les Occidentaux ne sont pas les seuls à s'y laisser prendre, les Centrafricains s'y sont crus, eux aussi, lors de la projection du film à Bangui. C'est du cinéma du réel, où le réel est indissociable de la fabrication. |
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"Parfois je me réveille et je me demande ce que je fais là, toute seule au milieu de cette guerre qui n'est pas la mienne. Qu'est-ce que je ferais si j'étais restée en France ? J'aurais un boulot quelque part, on irait boire des coups, on danserait toute la nuit. Pourquoi est-ce que je me sens si bien ici ? Pour eux, je serai toujours une étrangère, une blanche. Pourtant, nulle part autant qu'ici je me sens à ma place, là où j'ai toujours voulu être, vivante comme je l'ai jamais été, avec mes frères, mes frères humains". On se demande pourquoi Camille tombe amoureuse de la République Centrafricaine. Les gens? Le drame? Elle est attirée par ce pays, elle ne veut aller nulle part ailleurs pour photographier. Il ne s'agit pas d'une identification, il s'agit d'autre chose. Elle a une dette vis-à-vis d'eux, une dette insolvable, impayable, infinie. Il faut qu'elle assume cette dette, qu'elle la repaie. Tout se passe comme s'il fallait qu'elle mette en œuvre la citation de Paul Celan : Die Welt ist fort, ich muss dich tragen. Ton monde est perdu, pense-t-elle, je dois te porter. C'est sa responsabilité. Il faudrait que leur monde, si étranger, trouve une place dans le sien. Il le faudrait, mais elle n'ignore pas que c'est impossible. Il y a dans sa position un certain degré de sainteté. Elle aime ses interlocuteurs, elle est prête à se dévouer pour eux, mais elle est aussi capable d'assister au pire sans rien dire. Après tout c'est son métier, sa profession. Il faut que la sainteté cède la place au métier. Elle sait garder ses distances quand il le faut, dans la position mitoyenne du photographe, entre l'extérieur et l'intérieur, ce qui ne l'empêchera pas de sacrifier ce qu'elle a de plus précieux, sa jeunesse et sa vie. Ce qui nous fascine en elle, ce n'est pas qu'elle choisisse, c'est qu'elle ne choisisse pas. Elle laisse les aléas de la guerre choisir pour elle. Elle ira à sa mort, car aller vers la mort est aussi une composante de la dette. De totues façons, nous nous devons à la mort, comme si cette mort pouvait contribuer à rembourser la dette infinie. Prendre une photo, c'est donner une place au sujet (au référent), c'est retarder sa mort mais c'est aussi la montrer comme inéluctable. Elle s'est mise à la place du sujet photographié, comme si elle voulait devenir elle-même photographie, ou film. En faisant d'elle une héroïne, Boris Lojkine aurait concrétisé ou accompli ce désir. A moins que, dans sa toute-puissance, elle n'ait jamais cru en la mort. Son secret reste impénétrable pour nous. Le film se termine sur des photos de la vraie Camille Lepage (des photos d'elle, prises par d'autres), qui s'ajoutent aux photos qu'elle a prises. Cela pose la question des images qu'elle n'a pas prises et qu'elle ne pouvait pas prévoir : celles du film signé Boris Lojkine / Bojina Panayotova, qui vient en plus. Premier film de l'histoire de la République centrafricaine, il produit sur place un certain désir de cinéma. C'est le lieu d'un autre legs, un surcroît de vie au-delà de sa vie. C'est cet au-delà, inimaginable pour elle, qui fait de son décès un mourir vivant. Elle est morte d'une certain façon qui ne s'arrête pas au moment de sa mort, mais qui se prolonge dans d'autres vies transformées par la sienne. Le "mourir vivant" de Camille ne s'accomplit qu'avec le film de Boris Lojkine. Elle ne meurt pas tout à faite vivante : elle nous sdléègue le souci de mourir vivant. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 2019.LO.JKI WeltVivantEH.KJD MeursVivantHF.LKD PasDelaEparJI.LJI zm.Lojkine.2019 Rang = YLojkineCamilleGenre = MH - NP |
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