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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : En altérant les identités | CinéAnalyse : En altérant les identités |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 11 novembre 2019 - |
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CinéAnalyse : En s'aventurant pour plus que la vie | Ayer maravilla fui (Gabriel Mariño, 2017) - Chaque jour ton corps change, tu es la même personne sans l'être et tu peux te réveiller tout.e autre |
CinéAnalyse : En s'aventurant pour plus que la vie |
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CinéAnalyse : En préservant l'ouverture de l'avenir | CinéAnalyse : En préservant l'ouverture de l'avenir |
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CinéAnalyse : en découvrant autrui comme absolument autre | CinéAnalyse : en découvrant autrui comme absolument autre |
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C'est toujours la même personne, mais il arrive de temps en temps qu'elle se réveille le matin dans un autre corps. D'abord Emilio, un vieil homme aux mains tremblantes, puis une belle jeune femme (Ana), puis un jeune homme timide (Pedro). C'est toujours la même chambre et le même cahier, où le personnage note son prénom (qu'il a peut-être inventé, qu'il s'est peut-être donné à lui-même). Dans ce cahier unique il signe à chaque fois d'un autre nom et d'une autre façon de marquer sa présence (un trait par jour, mais ce n'est pas toujours le même trait). A le regarder, on saura que le personnage a eu le corps d'Emilio pendant tant de jours, celui d'Ana pendant tant de jours, et celui de Pedro pendant tant de jours. Le corps change mais la mémoire reste : Pedro a les souvenirs d'Ana qui a les souvenirs d'Emilio etc. Le passage d'un corps à un autre est une petite mort, corporelle et sociale, puis c'est aussi la transmission de la vie, le passage du vivant d'un corps à un autre. Le personnage ne sait jamais comment il va se réveiller le lendemain matin : il regarde d'abord ses mains, ses bras, puis s'observe dans le miroir. Tous trois se font couper les cheveux par Luisa, une coiffeuse. On ignore à quel moment le personnage est tombé amoureux de Luisa. Peut-être Emilio a-t-il été le premier, ou peut-être ce corps a-t-il pris la suite d'un autre corps. En tous cas l'amour se concrétise entre deux corps féminins : Luisa et Ana. La scène de tendresse lesbienne qui nous est montrée accentue encore la beauté de leurs corps. Quand Ana devient Pedro, il faut que ça s'arrête, et c'est le désespoir, pour Luisa comme Ana-Pedro, qui ne peut pas révéler son "identité" à Luisa, car Luisa a été violée dans son enfance. On comprend qu'elle n'aimera jamais un homme, elle ne peut aimer qu'une femme - c'est-à-dire, pour elle, un corps de femme. La métamorphose des corps, imprévisible, arrive la nuit. Est-elle le résultat d'un rêve? D'une plongée dans un autre espace ? On ne peut trouver aucune cause. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est inéluctable, elle arrive comme la naissance ou la mort, ou les deux à la fois, mort et naissance liées, alliées, indissociables, sans prévenir. C'est un film sur le changement, et en même temps sur le retour du même : la chambre, les diapositives, les plantes, les allumettes découpées, sculptées et aussi un refrain musical, le second mouvement de la sonate pour piano D.959 de Schubert. Ce sont des points fixes, des croisements. Tout revient à l'identique, sauf le corps du personnage. La répétition est étrange, troublante, et redouble celle qui a affecté la ville de Mexico en 2016, quand le Distrito Federal (DF) est devenu Ciudad de Mexico (CDMX). Alors la ville a changé de nom, mais pas de corps. On voit dans le film un énorme graffiti : CDMX ESTA MUERTA, DF POR SIEMPRE. Le DF survit cinématographiquement malgré les perpétuelles transformations de la ville de Mexico, mais aucun des personnages n'y trouve un lieu stable. Ana espère que sa relation d'amour avec Luisa interrompera cette métamorphose, que le changement s'arrêtera, mais ni le temps ni la ville ne lui font ce cadeau. |
Le titre est tiré d'une phrase d'un poème de Luis de Góngora (“Aprended, Flores, en mí”) : “Ayer maravilla fui, y hoy sombra mía aun no soy”. Hier j'étais une merveille, et aujourd'hui je ne suis même pas l'ombre de moi. En vieil homme, le personnage ne s'aimait pas, en jeune homme il ne s'aime pas non plus, mais en jeune fille il était une merveille, sous-entendu : digne d'amour. Faut-il avoir un beau corps pour être digne d'amour ? En tous cas la relation entre Ana et Luisa est le centre du film, précédée par le vieil homme et suivie par le jeune.
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Peut-on tomber amoureux de l'essence d'une personne et non pas de son corps physique? Telle était la question de départ du réalisateur. Il a voulu se laisser entraîner par le film, sans script préalable, en espérant peut-être que la réponse viendrait de là, de cette expérience, du tournage, de l'imprévision des acteurs ou de ce qu'il en restera dans le souvenir des spectateurs. Après cela, bien entendu, la question reste ouverte. Qui est le personnage? On ne peut le définir ni par son corps, ni par son nom. Peut-être a-t-il une histoire, mais on l'ignore aussi - le peu qu'on en sait ne suffit pas à construire une identité. Son trait principal, s'il en a un, c'est le changement de corps. C'est ce changement qui fait son identité et l'unité de son esprit. A ce trait principal s'ajoutent d'autres particularités : 1. le personnage est amoureux d'une femme, Luisa. 2. le personnage est seul, une solitude indépassable car elle est liée à sa condition inavouable, inexplicable, injustifiable. Y a-t-il d'autres personnages comme lui? Il ne peut pas le savoir. 3. Il est pris dans une relation impossible, et il le sait. Qui pourrait aimer en même temps plusieurs corps, ceux d'un vieillard, d'un jeune homme et d'une jeune femme? Qui pourrait faire confiance à une personnalité aussi diversifiée, versatile? La scène où Ana se regarde dans un miroir comme si elle nous faisant face (vers 26'), est un faux regard-caméra car même si nous la regardons dans les yeux, ce n'est pas nous, le spectateur, qu'elle fixe, c'est elle-même. Ce n'est pas nous qu'elle interroge, c'est sa propre identité. Elle n'attend pas d'un autre la définition de cette identité qui reste instable, indéterminée. Le film pose la question du genre comme celle de l'âge : il n'y pas de différence, et pourtant ça change tout. Le personnage est supposé n'avoir aucun genre, mais il ne peut pas échapper à la question du genre. Quand Ana prend l'initiative de faire l'amour avec Luisa, n'est-elle pas encore Emilio et tous les personnages masculins qui l'ont précédée? N'est-elle pas déjà Pedro qui viendra après elle? La scène d'amour lesbien, filmée par un homme, n'est-elle pas ambigue? Un jour Ana tente d'expliquer à Luisa quelle est sa condition, mais elle ne peut pas le faire directement, elle doit passer par le récit d'un rêve où elle se voit au sommet d'un arbre, contrôlant les corps des autres avant de s'en débarrasser. Ce n'est qu'un rêve, un rêve bizarre, qui en réalité ne donne aucune clef. Elle aura rêvé qu'elle peut contrôler le processus, mais à la fin du rêve, elle redescend sur terre. On peut lire le film comme une métaphore de nos difficultés les plus banales : devoir accepter les changements qui affectent nos corps sans rien contrôler. Je me regarde dans la glace et je vois passer les amours et les années. Mais on peut voir les choses autrement. Chaque mutation est pour le personnage à la fois : - la continuation, la réitération de son expérience; - un événement unique, complètement nouveau et imprévisible. Comme si la vie ne se contentait pas d'un cycle et exigeait autre chose, comme s'il fallait toujours à la vie un supplément de vie. La particularité de ce film, c'est que ce supplément vient en trop. Le personnage ne le désire pas, au contraire, il voudrait s'en débarrasser. La vie plus que la vie, cette vie incontrôlable, insupportable, irréductible, n'apporte jamais aucune garantie, ni de réussite ni de bonheur. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 2017.MA.RIN InternetAlterationDL.MLK StephanePlusVieOE.LOE CineA-VenirHM.LKJ ProAutruiDF.LDF zm.Marino.2017 Rang = ZMarinoGabrielAyerGenre = MH - NP |
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