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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" | CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 29 août 2019 - |
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CinéAnalyse : otobiographies | Trois visages (Jafar Panahi, 2018) - Tout commence par un appel, "Je suis morte" : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir |
CinéAnalyse : otobiographies |
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CinéAnalyse : persistance de la photographie | CinéAnalyse : persistance de la photographie |
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Essai sur l'alliance, entre vie et mort | Essai sur l'alliance, entre vie et mort |
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Le film commence par la scène de pendaison d'une jeune fille. Je suis morte, dit-elle à Behnaz à travers le téléphone. C'est une scène factice, mais bien filmée et montée, remarque Jafar Panahi, comme par un vrai professionnel du cinéma. C'est donc aussi une vraie scène, même si c'est une fiction, un mensonge. Il aura fallu cette scène pour que la véritable actrice (Behnaz), qui joue son propre rôle, se mette en marche, aille dans un village éloigné, en un lieu dont elle ne connaît même pas la langue, pour qu'elle rencontre deux autres actrices : une débutante, pas encore actrice (mais déjà morte dans la fiction qu'elle a construite), l'autre vieille et solitaire, encore vivante mais elle aussi socialement morte, car évitée par tous les habitants. Dans cet entre-deux se déroule le film, réel et fiction mélangés, passé, futur et présent en concaténation, déclenchés par un "Je suis mort" auquel il est presque impossible de croire, car comment la vidéo aurait-elle été envoyée ? L'hypothèse qu'une de ses amies ait appuyé sur le bouton est difficilement crédible. Le fait que tous les personnages du film jouent leur propre rôle introduit une ambiguité. Est-ce aussi un reportage? Une autobiographie? Oui et non. Non, car visiblement c'est un film avec un scénario (d'ailleurs il a eu le prix du même nom à Cannes), mais Oui, car c'est une aventure dans laquelle tous les participants s'engagent eux-mêmes, en leur propre nom. Ce film n'est pas seulement signé par le réalisateur, mais aussi par les acteurs. Même si tout ce qu'il raconte est inventé, il est ancré dans l'expérience. C'est donc un film à la fois autobiographique (Je raconte ce que j'ai accompli, pourrait dire Jafar Panahi qui est effectivement revenu dans le village des ses ancêtres), autothanatographique (Marziyeh raconte sa propre mort), hétérobiographique (Je raconte la vie d'un autre), hétérothanatographique (Je raconte la survie d'une morte), otobiographique (je porte en moi la vie d'une autre, pourrait dire Behnaz) et auto-hétéro-allo-thanato--graphique (entre ma vie, ta vie, sa vie, ma mort, ta mort, sa mort vient s'intercaler une différance dangereuse) [Tous les néologismes sont de Derrida, dans son séminaire La vie la mort, 1975-76]. Cette complexité, c'est celle de l'alliance hétérogène "ma vie mon œuvre", signée par Jafar Panahi. Mais nul n'est obligé de me suivre jusque là (le rédacteur de ce petit texte). |
Jafar Panahi est l'ancien assistant, ou disciple, d'Abbas Kiarostami, mort en 2016. A la suite des manifestations de 2009 consécutives à la réélection probablement frauduleuse d'Ahmadinejad, il a été condamné à 6 ans d'emprisonnement et 20 ans d'interdiction de tourner. Sous la pression internationale, sa peine a été commuée en assignation à résidence, mais celle-ci n'est pas appliquée (les bizarreries du régime...). Il lui est interdit de quitter l'Iran jusqu'en 2030. Cela ne l'a pas empêché de réaliser plusieurs films, dont Ceci n'est pas un film, Closed Curtain et Taxi Téhéran. Trois visages s'inscrit dans cette série de transgressions. Le film a obtenu le Prix du scénario à Cannes, où le réalisateur était représenté par sa fille Nader Saeivar. C'est sa monteuse, Mastaneh Mohajer, qui lui a remis le trophée à l'aéroport de Téhéran, devant une petite foule de spectateurs.
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Les trois visages sont les trois âges de l'actrice : jeune (Marziyeh) mais presque morte, mûre (Behnaz) et enfin vieille (Shaharzad - c'est-à-dire Shéhérazade - ou Sahwzar, selon les orthographes, presque morte aussi). On peut supposer que, pour Marziyeh, Shaharzad a été une sorte de modèle, sans laquelle elle n'aurait jamais eu le désir d'être actrice et ne serait jamais allée chercher Behnaz. Ce qui précède Behnaz (l'actrice virtuelle) rejoint par l'intermédiaire de Behnaz ce qui lui succède (l'actrice vieille). Mais l'actrice vieille n'a jamais joué sous le régime actuel, elle n'était active que sous l'ancien régime (celui du Shah) - elle précédait donc Behnaz. Entre ces temporalités, règne une certaine confusion. Il en va de même pour les cinéastes. Abbas Kiarostami et ses road-movies (Et la vie continue, Le vent nous emportera, Le goût de la cerise) précèdent Jafar Panahi, mais il est aussi son futur, puisque Panahi réalise des road-movies sur le modèle de ceux de Kiarostami. A la confusion temporelle dans le monde des actrices correspond une autre confusion temporelle, celle du monde des réalisateurs. Il se dégage de ce film une certaine joie, voire une certaine euphorie. D'où vient ce sentiment de plaisir? Pas seulement des histoires baroques que racontent les villageois ni de sa fin heureuse. Il nous fait plaisir car il est au croisement d'une mémoire et d'une promesse. D'un côté une série de souvenirs : des films déjà vus, des actrices d'ancien régime, des rencontres anachroniques, des histoires à demi fantastiques. D'un autre côté une série de promesses : une jeune actrice de demain, un cinéaste qui avec ses amis, revendique sa liberté, un village qui, malgré tout, a accepté de collaborer à la réalisation du film. On en vient à un autre néologisme de Derrida, beaucoup plus tardif car on le trouve dans son dernier séminaire, La bête et le souverain, volume II, 2002-2003 : autobiophotographie. Abbas Kiarostami n'est pas tout à fait revenu, mais c'est comme si. Le film introduit une sorte de dispositif retard qui nous rappelle la mémoire vivante du cinéaste disparu. Son efficacité, sa vivacité, ne sont pas liées au mouvement de l'image mais au fait qu'il reproduit, dans son organisation et sa structure, l'organisation et la structure de certains films devenus des classiques. C'est donc une photographie, apocryphe mais bien vivante, de ce cinéaste mort, offerte par un autre cinéaste dont c'est une autobiographie. Dans ce monde iranien qui s'enfuit (comme dit le poète : Die Welt ist fort), il faut que je te porte (Ich muss dich tragen), dit Jafar à Abba. C'était aussi la promesse de Shaharzad à Marziyeh, accomplie par Behnaz. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 2018.PA.NAH ProMortCO.MPL CineOtobioFF.LDF VoixToucherHO.LKI CinemaDeconsNJ.LKD zm.Panahi.2018 Rang = YPanahiTroisVisagesGenre = MH - NP |
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