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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 25 juillet 2019

 

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CinéAnalyse : allo- ou hétéro - thanatographie

Amarcord (Federico Fellini, 1974) - Où une fiction circulaire scelle l'alliance autobiographique du cinéma avec un "je"

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Ce film a été diffusé à la télévision le jour de la mort de Federico Fellini, le 31 octobre 1993. Cette diffusion s'imposait car le "je" autobiographique s'y énonce dans une tonalité nostalgique déjà construite pour porter le deuil. Tous les films sont autobiographiques, disait Fellini, mais celui-là montre peut-être l'essence, la structure même de l'autobiographie.

Citation de Fellini, le 18 février 1986 : "Tous les films sont autobiographiques. Cette question que vous posez sans cesse est ridicule. Nous sommes toujours autobiographiques. Même quand on prétend être objectif, détaché, ce n'est qu'une apparence de détachement, une soi-disant objectivité. (...). Ce que ce film peut avoir d'autobiographique [il s'agit de Ginger et Fred], toujours sur le ton de la plaisanterie, c'est un certain mécontentement, quelques regrets. Je pense que sans en être vraiment responsable, la télévision a changé le rapport entre le spectateur et l'image. Ce n'est plus un rapport basé sur la suggestion, la confiance, l'exaltation que créait le grand écran autour duquel le grand public s'amassait, comme à l'église. Les lumières s'éteignaient, cet immense drap s'illuminait, les acteurs, immenses, avec leurs visages énormes, et ces lieux mystérieux, tout cet aspect exotique, l'aspect féminin, la femme, tout ça, la télévision l'a irrémédiablement détruit. Ce n'est plus du tout la même image, c'est une image schizophrène, psychédélique, névrotique, confettisée, dispersée, une sorte de kaléidoscope. On chatouille l'œil, et on finit par créer un type de spectateur impatient, superficiel, qui veut faire son film lui-même en sautant sans cesse d'un programme à un autre. Et évidemment moi, en tant que cinéaste qui ai été formé à une certaine conception du cinéma, je dois tenir compte d'un public que je ne connais pas. Je dois raconter mes histoires, exprimer mes fantasmes et mes quelques idées dans un langage qui tienne compte des exigences d'"insectes", de ce nouveau public frénétique et impatient. Je ne dirai plus rien".

Il n'y a pas de plaisir sans un minimum de croyance, la répétition d'un vécu. En multipliant les fausses transgressions, on peut rassurer. En faisant étalage de l'obsession sexuelle, on peut faire un film qui aligne les lieux communs et convient à tout le monde. Même quand il est question de politique, on ne sort pas de la logique de l'autoportrait. Le fascisme, accueilli par la fanfare municipale, semble s'échapper d'une brume. Il est menacé par des opposants sans visage qui se dissimulent pour chanter l'autre ritournelle, celle des partisans. Accusé d'avoir commis ce crime de lèse-Mussolini, le père s'en tire par l'absoption forcée d'un verre d'huile de ricin, puis rentre à la maison prendre un bain. On a connu pire répression pour cette dictature qui infantilise ses victimes et semble réductible à une affaire de famille.

Pour produire de l'empathie, il faut de l'émotion. Elles y sont toutes : joie, angoisse, peur, tristesse. Tout grand film de cette époque doit être aussi un mélodrame. Il n'y manque pas, au risque de la simplification ou de la transformation de chaque personnage en caractère-type facilement repérable et compréhensible. Il faut séduire, embellir, accompagner en des lieux emblématiques comme le Grand Hôtel (pour la clientèle étrangère fortunée) ou familiers comme la salle de cinéma (pour la communauté villageoise) : un lieu où tout le monde, riche ou pauvre, jeune ou vieux, vient partager le même spectacle. On s'y croise, on y rêve, on y fait des rencontres, on y entend des ritournelles, mais aucun film particulier ne s'y distingue. Cette salle représentée au début des années 1970 ressemble déjà à un musée, un tombeau magnifique qui anticipe l'arrivée massive du tourisme à Rimini.

 

 

Ce film peut être l'occasion d'explorer le concept derridien d'auto-bio-graphie.

1. Un "je" unique fait le récit de ses souvenirs. Que ces souvenirs renvoient ou non à la jeunesse du réalisateur, qu'ils aient été inventés a posteriori ou pas n'a pas tellement d'importance. Ce qui compte est que le film ait la structure d'un autoportrait. Aussi contrasté soit-il, l'autoportrait s'ordonne en une seule fiction. Me voici, je suis là dit l'auteur, qui en réalité n'est pas là.

2. Un "je" se démultiplie. Il y a : l'adolescent tel que le réalisateur s'en souvient dans les années 30 : Je revis ce que j'ai vécu; le réalisateur du début des années 70 : Je raconte, aujourd'hui, ce que j'ai vécu; le personnage du réalisateur enfant : Je vis cela, aujourd'hui, comme acteur; la voix off du film : Voici ce que je pense de ce qu'a vécu ce personnage qui est moi; et aussi (entre autres) le spectateur qui s'identifie au "je" : Le film est si vivant que je m'y croirais.

3. Une imitation de la vie. Avec ses dialogues crus, son humour ravageur à la vulgarité calculée, sa légèreté travaillée, ses contrastes téléphonés, le film donne une impression de vie, il est la vie même. Le génie de Fellini tient à l'alliance entre le plaisir vivant que nous prenons à le voir et tout ce qui vient contrarier, nier ce vécu.

4. D'innombrables stéréotypes et lieux communs : le père éruptif, à la fois patron et anarchiste, la mère qui cache sa tendresse derrière les accès de colère, la Gradisca au fessier plantureux (instrumentalisé par la corruption), la Volpina érotomane, la buraliste opulente, les gamins farceurs, les professeurs d'un autre temps saisis par leur sujet mais que personne n'écoute, le comte en calèche, l'historien aussi érudit qu'anachronique, le confesseur blasé - voire complice, l'oncle fou, etc. Chaque image est originale et pourtant tout est prévisible, y compris la scène décorative de l'émir et ses trente concubines : tout est fait pour faire plaisir à tout le monde.

5. Structure en anneau. Tout part des années 30 mussoliennes et tout y revient, dans une circularité fixée dès le début par la ritournelle, cette musique de Nino Rota reprise en boucle jusqu'à aujourd'hui dans les commémorations felliniennes. Si le film pouvait être purement autobiographique, il s'arrêterait là. Les souvenirs, rêves et fantasmes sont pris dans une double répétition : la mémoire du réalisateur et son inscription dans les stéréotypes.

6. Circularité. L'événement du film, qui arrive vers la fin, c'est la mort de Miranda, la mère. On est en hiver, l'été est englouti dans les souvenirs, l'ancien monde reclus dans le passé, et c'est la scène de deuil, l'enterrement. Mais la fiction n'arrête pas, la ritournelle se poursuit. Il faut que, malgré la maison vide, le cycle se prolonge. Le récit autobiographique exige un certain bouclage. Il faut aller plus loin, jusqu'à la clôture de l'anneau.

Amarcord se termine par quelques scènes complémentaires : l'irruption en mer d'un paquebot américain, le brouillard automnal, la chute de neige et l'ultime scène de mariage. Gradisca a trouvé son Gary Cooper - un individu particulièrement insipide. Le dernier banquet, dans les champs, laisse une impression d'épuisement ou de fin du monde. A ce stade, on n'a plus besoin de croire en la fiction. On s'embrasse, on prend la photo de ce lieu désormais évanescent, presque oublié, les amoureux s'éloignent dans une voiture qui ressemble à celle des plus récents films noirs. Le dernier clin d'oeil boucle l'anneau : une année a passé, la dernière image du film touche à sa première phrase. "Si les aigrettes sont arrivées, c'est que l'hiver va s'en aller".

Ainsi la vie rejoint-elle la mort, dans une alliance qui est celle de l'art. Amarcord est un grand film, un monument de l'histoire du cinéma. Plus cette alliance est solide, et moins le film peut promettre autre chose que cette alliance.

Résumé Wikipedia (25 juillet 2019 modifié) :

Amarcord est un film franco-italien, une comédie dramatique, de Federico Fellini sorti en 1973. Il reçoit l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1975. En dialecte romagnol, « Amarcord » signifie à peu près « je me souviens » (en italien, (io) mi ricordo). le film est une chronique d'un adolescent turbulent et attachant, Titta, qui pourrait bien être Fellini lui-même. Il grandit entouré de personnages excentriques habitant le village de Borgo San Giulano (situé près des anciens murs de Rimini, à 50 km de Forlì, à l'époque la capitale de la province), au fil des saisons, sous le fascisme triomphant des années 1920-30. Ainsi, la Romagne de Fellini rappelle celle d'Antonio Beltramelli, né à Forlì, comme on la trouve dans Gli uomini rossi ou Il Cavalier Mostardo.

Titta, un gamin à l'œil vif, s'échappe souvent de la pétaudière familiale pour aller rôder dans les rues et découvrir le monde. Il rencontre de drôles de gens : un colporteur mythomane, un accordéoniste aveugle, une buraliste à la poitrine accueillante, une religieuse naine, etc.

La vie provinciale en ce temps-là, c'est aussi le péril montant d'une parade fasciste, le fascinant passage, au large, d'un mystérieux transatlantique, des séances de cinéma agitées. Mais tout n'est pas drôle dans cette vie : la mère de Titta meurt, mais il se consolera vite au son de l'accordéon d'une noce campagnarde.

Le fascisme ne nous saute pas aux yeux d'emblée. Les gens sont si débonnaires et si drôles. Le village prépare une fête, on s'assemble sur la place, on apporte des meubles pour le feu de joie, la fanfare joue, les hommes admirent La Gradisca, si belle dans son manteau rouge à col de fourrure noire (Magali Noël). Elle, elle rêve à Hollywood et à Gary Cooper devant le cinéma dont le propriétaire se fait appeler « Ronald Colman ».

À l'école, les professeurs sont plus caricaturaux et ridicules les uns que les autres, avec une mention pour celui de grec ancien qui multiplie les grimaces à chacune de ses démonstrations de bonne prononciation. Les élèves, eux, semblent concourir à qui sera le plus cancre, visages ingrats, corps difformes. Ils passent leur temps en classe à se donner des coups, à péter, à uriner. Mais, surtout, ils passent leur vie à fantasmer sur les femmes du village et même sur leur professeur de maths. Tous les jours, même sous la pluie, ils rendent visite au « Monument de la Victoire », ange aux superbes fesses nues et rebondies. L'obsession sexuelle et la frustration qu'elle entraîne dominent toute leur vie d'adolescent.

Dans l'observation acide de la province italienne, le dîner familial et la dispute qui l'émaille reste un moment d'anthologie : La mère, Miranda, qui se met à loucher lorsqu'elle crie « Je deviens folle », avant d'annoncer « je vous tuerai tous ! je mettrai de la strychnine dans le potage ! », tandis que le père, Aurelio, fait mine de vouloir se suicider en s'écartant les mâchoires des deux mains, tous deux incapables d'attirer l'attention de l'oncle ou des enfants qui, habitués à un tel « cinéma » continuent à manger, imperturbables, tandis que le grand-père choisit de sortir aérer ses sphincters.

Mais le ton devient plus amer à partir de la fête fasciste. Fellini tourne d'abord la manifestation en ridicule, avec les clones du Duce, le défilé au pas de course à la « bersaglieri », les discours enflammés et convenus. Le ton devient doux-amer lorsqu'est érigé l'immense visage du Duce composé de milliers de fleurs, mais dont les yeux, énormes et fixes, font penser au Big Brother de George Orwell. Et alors que la nuit est tombée et que les réjouissances fascistes se poursuivent, un violon se fait entendre, surgi de nulle part, et égrène les notes de l'Internationale. L'émotion et la poésie se rejoignent en cet instant avant que la comédie ne tourne à l'aigre, car comme nous le montre Fellini sans avoir besoin de nous le dire, la poésie et l'émotion n'ont pas droit de cité dans l'Italie mussolinienne. Un déluge de feu sur le clocher de l'église où se cache le gramophone sacrilège, puis l'interrogatoire musclé à coups d'huile de ricin du père de Titta, viennent soudain nous rappeler à la triste réalité historique.

Amarcord est une chronique de l'Italie campagnarde et fasciste. Une chronique tantôt hilarante, tantôt amère voire inquiétante lorsque les manifestations du fascisme quotidien nous sont montrées dans toutes leurs brutalités.

C'est aussi sans aucun doute le film le plus politique de Fellini, peut-être le seul. Mais, ici, le fascisme fait partie du décor, dans un village dont on nous dit que « 99 % des habitants sont inscrits au Parti » [sauf le père du héros].

 


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