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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : En brouillant les limites | CinéAnalyse : En brouillant les limites |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 11 juin 2019 - |
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CinéAnalyse : en démultipliant les parerga | Les étendues imaginaires (Siew Hua Yeo, 2018) - Un monde clos dont les bords ne s'étendent qu'au prix d'une étrange et incontrôlable transformation |
CinéAnalyse : en démultipliant les parerga |
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Wang, un simple ouvrier, a disparu. On ne sait pas pourquoi cette disparition est suffisamment importante pour mobiliser deux policiers. Il y a probablement une raison, car les ouvriers, ici, disparaissent facilement; et les deux policiers sont des gens de la ville, qui s'aventurent rarement de ce côté-ci de la Cité-Etat. Mais c'est comme ça, ils ne savent pas pourquoi ils sont venus. Ils commencent leur enquête sans aucun indice. Il est possible que Wang soit vivant ou mort, au fond ça leur est égal, de toutes façons la frontière entre la vie et la mort, ici, n'est pas très claire. Il se pourrait que Wang soit entre les deux, qu'il ne soit ni vivant ni mort, vivant et mort. En tous cas contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de films de la région, Wang n'est pas devenu un fantôme ni un spectre, c'est autre chose, une catégorie intermédiaire. A Singapour, l'ouvrier chinois est un étranger, il n'a aucun droit. Quand il se blesse au bras, il doit accepter n'importe quel travail. Il accepte donc de conduire un camion, dans lequel il rencontre Ajit, un ouvrier du Bangladesh. Il semble que cet ouvrier soit en train de préparer une révolte ou quelque chose comme ça, il semblerait qu'il ait un plan, mais il n'explique jamais clairement à Wang ce qu'il veut faire. En tous cas dans le film, son sort sera encore plus étrange que celui de Wang puisque ledit Wang, inquiet, avant sa propre disparition, découvre le cadavre de Ajit sur la plage. L'inspecteur Lok, qui ignore ce détail, ne sera pas surpris de rencontrer le même Ajit un peu plus tard, sur un autre terre-plein, sous l'emprise de la compagnie. Mort ou vivant ? Wang le croit mort, Lok le voit vivant, il n'y a pas de compromis possible, et pourtant on est entre les deux. Cette zone intermédiaire ne cesse de s'étendre et occupe en vérité la totalité du film. Impossible ou pas, cette situation hybride entre la vie et la mort semble partagée par tous les personnages. En un lieu improbable, au bord de la ville, il n'y a plus aucune distinction qui tienne, pas même celle-là. Dans ce monde sans ailleurs ni futur, où chacun vit au présent et en sursis, la chronologie est brouillée, on peut disparaître et revenir sans étonner personne. |
Wang et Mindy sur la plage, avec la clef du camion qui pourrait les délivrer.
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C'est un film qui montre moins l'envers de Singapour que ses limites, ses bords, ses étendues imaginaires, pour reprendre son titre. Il y a toutes sortes de bords : les promontoires gagnés sur la mer (25% de la surface du pays depuis sa création), les anciennes collines arasées dont on ne voit plus rien, les chantiers d'aménagement qui semblent flotter sur les eaux, le sable du littoral qui provient de pays étrangers, un no man's land composé de terre-pleins, les frontières de cet Etat-nation dont la principale occupation semble être d'étendre ses limites territoriales, l'existence même de cet Etat qui semble plus ou moins fictif ou chimérique, le rêve éveillé, le temps supplémentaire que procure l'insomnie (ni travail, ni loisirs), les travailleurs immigrés en contact permanent avec leur pays lointain, le cybercafé où il ne fait ni jour ni nuit, le jeu vidéo Counter-Strike dont les espaces virtuels envahissent et l'écran et la vie, les scènes de fête dont les personnages sont réduits à des corps en mouvement, la danse au bord de la mer, les bruits qui se confondent avec la musique, les lumières artificielles qu'on ne distingue plus de la lumière naturelle, l'enquête policière sans objectif déterminé, le personnage ambigu de Mindy l'hypnotiseuse, l'état mental de la plupart des personnages au bord de l'épuisement, et la mort elle-même qui n'arrête pas la vie mais semble l'accompagner, la border, sans parler du chassé-croisé empathique entre Lok et Wang qui ne se rencontrent qu'en rêve, entre Mindy et Wang, entre Wang et l'autre joueur de jeu vidéo qui fuit devant les policiers. Dans la dernière scène du film, Lok voit Wang de dos regarder vers le large. Il ne cherche pas à le rejoindre, il ne vérifie pas son identité, il a oublié sa mission et sa propre identité. Il fait demi-tour et revient vers les danseurs et vers la Cité-Etat. C'est lui, l'inspecteur Lok, représentant solitaire des classes moyennes de Singapour, qui est enfermé, tandis que Wang, semble-t-il, est ailleurs. On retrouve dans ce film la complexité et les ambiguités du concept derridien de parergon : ce qui entoure, enchaîne et retient l'énergie (en grec ergon). On ne peut pas arraisonner ce bord, on ne peut pas le maîtriser, il reste hétérogène. Tout en fixant et délimitant la ville, il la déstabilise, il entretient autour d'elle un mouvement qu'elle ne peut pas contrôler (la différance). A la fois intérieur et extérieur, dedans et dehors, il vient en plus, il parasite, il menace. Pour se protéger, le centre envoie des anticorps (l'inspecteur Lok), mais ces anticorps finissent par être absorbés par lui. Inassimilable, il a quelque chose d'écœurant, de dégoûtant, et en même temps il séduit. C'est le lieu où des étrangers dansent des danses inconnues. Plus on y gagne du terrain, et plus on y risque la dislocation. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 2018.YE.OYE CineBrouillageHE.LHE CineParergaEE.LDE zm.Yeo.2018 Rang = YYEtenduesIgGenre = MH - NP |
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