Derrida
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 27 février 2019

 

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CinéAnalyse : En faisant venir une éthique

My dinner with Andre (Louis Malle, 1981) - Je voudrais apprendre à vivre, enfin

CinéAnalyse : En faisant venir une éthique
   
   
   
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En 1993, au début du texte intitulé Spectres de Marx, Jacques Derrida introduit la phrase : "Je voudrais apprendre à vivre enfin", un point de départ qui lui est venu, dit-il, après avoir fini la rédaction de ce texte, et qui sera repris dans son dernier entretien paru le 19 août 2004, peu avant sa mort. En voici un extrait : Apprendre à vivre, c'est mûrir, éduquer aussi : apprendre à l'autre et surtout à soi-même. Apostropher quelqu'un pour lui dire "je vais t'apprendre à vivre", cela signifie, parfois sur le ton de la menace, je vais te former, voire te dresser. Et puis, l'équivoque de ce je m'importe davantage, ce soupir s'ouvre aussi à une interrogation plus difficile : vivre, cela peut-il s'apprendre, s'enseigner? Peut-on apprendre, par discipline ou par apprentissage, par expérience ou expérimentation, à accepter, à affirmer la vie? A travers tout le livre résonne cette inquiétude de l'héritage et de la mort. Elle tourmente aussi les parents et leurs enfants : quand deviendras-tu responsable? Comment répondras-tu enfin de ta vie et de ton nom? (Apprendre à vivre enfin, pp23-24).

Si je cite Derrida à propos du film de Louis Malle, My Dinner with Andre, c'est parce qu'on trouve presque la même formule dans la bouche d'André Gregory vers la fin de la conversation (voir ci-contre) : Je me suis fixé un programme pour réapprendre à vivre comme un être humain. Ce programme, dans la bouche d'André Gregory, ce n'est pas vraiment un programme, c'est plutôt un anti-programme, c'est une prise de risque. D'ailleurs son interlocuteur ne lui reproche pas le programme, mais l'absence de programme. Il faut faire attention à l'autre, explique André, dans ce qu'il a d'inconnu et d'imprévisible, et alors seulement on commence à vivre. Sans cette attention, enfermé dans les tâches courantes de la vie, on n'est qu'un robot.

- (André) : J'ai réalisé que depuis 18 ans je n'étais plus capable d'émotion sauf en cas de tension extrême. Je ne vivais que de mon travail, chaque pièce était une question de vie ou de mort. Mais alors dans ma vraie vie j'étais mort, j'étais un robot ! Je m'interdisais même d'être en colère, ou contrarié. Alors qu'aujourd'hui, quand Chiquita, Nicholas ou Marina font des choses qui m'énervent ou disent des choses qui m'énervent, aujourd'hui je m'énerve ! Ils disent : "Pourquoi tu t'énerves?", et je dis : "Parce que vous m'énervez!" Et le jour où j'ai envisagé de ne pas finir ma vie avec Chiquita, j'ai compris que je ne pouvais pas vivre sans elle! A l'époque je ne savais pas encore réagir face à un autre être humain. Et si on n'a pas ce rapport à l'autre, il n'y a aucune possibilité d'échange, et s'il n'y en a pas, le mot "amour" ne signifie plus rien, sinon : devoir, obligation, sentimentalisme, ... Je sais pas pour toi Wally, mais je me suis fixé un programme pour réapprendre à vivre comme un être humain! Etais-je capable d'émotion? Qu'est-ce que j'aimais? Quels gens voulais-je fréquenter? Et la seule façon de trouver la réponse, c'était de me couper du bruit, arrêter de jouer sans cesse, et écouter en moi. Je pense qu'il vient un temps où on doit en passer par là.

 

 

Wallace Shawn ne savait pas ce qui l'attendait. Il s'est rendu à ce dîner en hésitant, à reculons. Avec sa vie précaire et ses problèmes de fin de mois, qu'avait-il en commun avec ce metteur en scène à succès qui parcourt le monde et réserve des tables dans les grands restaurants new-yorkais? Il n'avait aucune envie de disserter sur le sens de la vie ou la place du théâtre dans l'évolution du monde. Mais soudain, le voilà impliqué dans cette interminable conversation qu'il a lui-même écrite. Car le début du film est un mensonge : il ne peut pas ignorer ce qu'il fait, puisqu'il a préparé lui-même, avec son interlocuteur (le véritable André Gregory), le pitch du film, et qu'en plus il en est le scénariste, l'acteur et le référent. A part le réalisateur (Louis Malle), tout dans ce film se boucle sur soi-même.

Et pourtant ces deux acteurs et auteurs, quand ils s'adressent l'un à l'autre, s'adressent à quelqu'un. Pas au spectateur (bien incapable de répondre), ni à l'auteur (eux-mêmes), mais à un autre qui parle à travers eux, un spectre qui pourrait, quand même, leur apprendre à vivre. Il n'y aura pas de réponse à la fin, juste un certain positionnement. Tu ne dois pas rester replié sur toi-même, tu dois apprendre de l'autre comment vivre. L'autre, c'est André Gregory pour Wallace Shawn: et pour André Gregory lui-même, c'est sa femme, sa fille, son fils, ou tous ces gens qu'il a rencontrés et dont il n'avait jamais tenu compte jusqu'alors. Son voyage en Pologne, en Inde, au Sahara, sa rencontre avec Grotowki puis avec un moine japonais qui finira par s'installer chez lui, prendre sa place et faire la loi dans sa propre maison, c'est l'irruption de l'autre, du tout autre. Gregory découvre, émerveillé, le principe d'hospitalité dont Wallace Shawn dira plus tard qu'il préfère faire l'économie. Gregory demande l'impossible à Grotowski, et celui-ci le lui offre sur un plateau : dans une forêt magique, aux arbres gigantesques, pleine de sangliers, d'essaims de jeunes gens en transe qui ne parlent pas un mot d'anglais et d'ours en peluche, il peut improviser, chanter et danser, pendant qu'on le baptise d'un autre nom... Suivent une série d'expériences à peine plus croyables qu'Andre Gregory semble accueillir sans réserve. Ce qui lui arrive, l'événement saisissant qui le laisse transformé, ce ne sont ni les voyages ni les aventures, c'est qu'il s'aperçoit tout à coup, en rentrant chez lui, que ce tout autre qu'il allait chercher si loin, c'est au plus proche qu'il a une chance de le trouver : sa femme, ses enfants, se compagnons, ses amis. La stupéfaction de Wallace est à la mesure de cette découverte. Même chez l'ami, l'alter ego, le semblable, il faut accueillir le tout autre. C'est cela, to be truly alive - être vivant au-delà du cours usuel de la vie. Il faut en passer par un désert absurde, aride et vide, où l'on mange du sable, il faut écrire son testament une nuit d'Halloween, séjourner dans une tombe, les yeux bandés, avec le sentiment d'être enterré vivant, avant de revenir à New York et, après un temps de dépression terrible, un sentiment d'annihilation, retrouver sa famille comme une autre famille.

Résumé (Wikipedia) :

Wally, un dramaturge new-yorkais sans succès, accepte à contre-cœur de dîner dans un restaurant chic avec André, une vieille connaissance également dramaturge. André lui raconte alors les différentes expériences mystiques qu'il a connues ces dernières années en Pologne, en Écosse et au Tibet dans des communautés hippies. Peu à peu, le monologue devient une véritable conversation entre les deux auteurs, qui échangent leur point de vue sur la mort, l'amour, la place et le rôle du théâtre et le sens de la vie dans nos sociétés occidentales.

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André Grégory parle beaucoup de sa rencontre avec Jerzy Growoski. A cette date (1981), Growoski habitait encore en Pologne, mais voyageait. Il devient français en 1982 et enseigne à partir de 1983 à l'université d'Irvine - où Derrida enseignera, lui aussi, à partir de 1986 au moment où Grotowski s'installe définitivement à Pontedera, en Toscane. A noter que deux des textes de Derrida sur Artaud, Forcener le subjectile et Artaud et ses doubles, datent de 1986 et 1987, tandis que les principes grotowskiens du théâtre pauvre, y compris la Via negativa (diminuer à l'extrême les résistances intérieures des acteurs), déjà perceptibles dans My dinner with Andre, seront mis en œuvre plus tard par Louis Malle et André Gregory dans Vanya on 42nd Street.

 


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