Derrida
Scripteur
Mode d'emploi
 
         
           
Lire Derrida, L'Œuvre à venir, suivre sur Facebook Le cinéma en déconstruction, suivre sur Facebook

TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
L'écranophile en voix off                     L'écranophile en voix off
Sources (*) : CinéAnalyse : En laissant se faire le retrait               CinéAnalyse : En laissant se faire le retrait
Pierre Delain - "En ce moment même j'écris, dans l'obscurité orlovienne", Ed : Guilgal, 2048, Page créée le 26 avril 2018

 

-

CinéAnalyse : En disant "Je suis mort"

"Sleep well" (Jean-Luc Nancy, 2018) - Seul un vivant peut dire : "Je suis mort"

CinéAnalyse : En disant "Je suis mort"
   
   
   
Orlolivre : comment ne pas se dire : "Je suis mort" ? Orlolivre : comment ne pas se dire : "Je suis mort" ?
                 
                       

Pour l'acquérir, cliquez

sur le livre

logo

 

Voici une vidéo qui, irrésistiblement, fait penser à une phrase, une seule phrase : "Je suis mort". Certes, comme on peut le lire ci-contre à droite, dans l'appel à projets du service culturel de l'Ambassade de France, c'est clairement de sommeil qu'il s'agissait, et de rien d'autre. D'ailleurs, dans sa vidéo, Jean-Luc Nancy ne parle pas de mort, mais de vie, d'une vie qui serait plus que la vie : tellurique, tonique, une vie d'avant la vie et d'au-delà de la vie. Et pourtant c'est cette phrase, "Je suis mort", qui me reste après avoir vu la vidéo. Certes il n'est pas mort, mais remarquez, il n'est pas endormi non plus, ce qui ne l'empêche pas de parler du sommeil.

Dire "Je suis mort", c'est comme dire "Je mens", on sait que c'est impossible, aporétique. Et pourtant je peux dire ces deux phrases, "Je mens", "Je suis mort". Vous êtes libres de me croire ou de ne pas me croire; et quand JLN apparaît dans cette vidéo, je suis libre de croire qu'il dit, avec d'autres mots, "Je suis mort". Il est chez lui. Quand on est familier de sa parole, on reconnaît ses mots, sa façon de parler, son discours. Il est bien vivant, il nous regarde, il s'adresse à nous. Nous le voyons, nous savons que c'est lui, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de le penser : pas encore un spectre et déjà spectral. Cela tient-il à son état de santé, à son âge? A sa façon de parler du sommeil comme quelque chose de grave, autre chose que le temps provisoire de la nuit, celui du repos ou du rêve? Je n'ignore pas qu'il s'agit d'une vidéo, d'un film et que la spectralité, c'est l'essence même du cinéma. Dans un sens, ce qui arrive dans cette vidéo, c'est ce qui arrive dans n'importe quel film : plus encore qu'une anticipation de la mort, c'est le retrait vécu, la mort elle-même.

Et pourtant... Prenons un autre exemple : le film de John Huston, The Dead, a été projeté pour la première fois le lendemain de l'annonce de la mort du réalisateur (dans la nuit du 27 au 28 août 1987). Cela n'était pas indifférent, et cela ne l'est toujours pas aujourd'hui. Il s'agit bien de sa mort. Ce n'est pas lui qui nous en parle (puisqu'il est vraiment mort), c'est son film. Le film est porteur de l'ambiguité, du paradoxe. Il dit : "Je suis mort". Que Jean-Luc Nancy ait choisi de réaliser cette vidéo présentée le 25 janvier 2018, n'est pas indifférent. Le secret, disait Derrida, est dans la date, et il l'est plus que jamais ici, avec cette particularité, cette extrême singularité, que ce n'est pas un chiffre, c'est un souffle, un souffle qui recommence, se répète en anneau et revient à plusieurs reprises, du tout début à la toute fin. Oyez mon souffle, dit-il, et nous n'entendons pas le souffle, mais son interruption. Il ne dit pas : "Je suis mort de fatigue", il dit autre chose.

On peut consulter la vidéo complète, que j'ai essayé de retranscrire ci-dessous, à l'adresse suivante : https://vimeo.com/264313896 (consulté le 26 avril 2018).

 

 

Transcription de la vidéo.

Titre en anglais : Sleep well.

On voit JLN endormi, appuyé sur sa main, dans une pièce très éclairée par une lumière électrique.

[Souffle d'un homme ensommeillé].

Il se réveille.

[Une image brouillée, assez confuse, sur une musique religieuse].

[La pièce devient plus sombre]

[Souffle]. JLN parle.

- Oui, dans le sommeil, il y a une absence totale, je suis perdu, je suis plus là, personne n'est là, sinon... sinon quelqu'un, oui quelqu'un, mais qui? On ne sait même pas qui bien que ce soit incontestablement... moi

[Images, musique]

[Le visage de JLN se rapproche]

- Euh... [souffle]. Euh [souffle]. [Images, musique]. Le sommeil... replonge... dans une vie qui n'est pas ou pas seulement la vie, qui est la vie tellurique, une vie tonique, une vie d'avant la... [silence] de très loin avant la vie et peut-être aussi de très loin au-delà d'elle.

[Images, raclement de gorge, images]

[Un peu plus de lumière, le col du pull de JLN est relevé]

- Un grand soleil noir, un grand soleil noir tombe sur ma vie. Dormez tout espoir, dormez toute une vie. Je ne vois plus rien, je perds la mémoire, du mal et du bien, Oh la triste histoire. Je suis un berceau qu'une main balance au creux d'un caveau. Silence... Silence... [souffle]. Poème de Paul Verlaine.

[Images]

- Ceux-là sont accablés de sommeil, accablés... [images, musique]. Ceux-là sont comblés [musique, images]. Ceux-là sont harassés, terrassés. (Image d'un bébé] Lui, il entre dans la vie

[Images].

- Goya dit que le sommeil de la raison engendre des monstres. Ce qui est vrai. Il n'empêche que le sommeil de la raison est aussi celui dans lequel peuvent se lever d'autres monstres, des monstrations, des démonstrations de ce que la raison peut infiniment se dépasser elle-même, fût-ce dans une déraison souveraine [images]

[Raclement de gorge, le visage de JLN se fait encore plus sombre. Il se confond presque avec le fond].

- Quelque chose, oui, de la souveraineté qui n'est rien, quelque chose du rien... d'où nous sortons... et où nous allons. Juste un sommeil... [musique orientale plus vive] d'où nous sortons et où nous revenons... [la musique envahit la bande sonore].

[Deux fois le titre, en anglais :

- sleep well.............. (14 points)

- sleep well (sans point)].

[Le film se termine avec la même image brouillée qu'au début].

On peut trouver cette vidéo sur Vimeo, avec la légende suivante :

 

“Sleep Well” by Jean-Luc Nancy 

Thursday, January 25th 2018

Translation: Thomas Ayouti

Subtitles: Anne-Marie Denault

Commissioned by the Art Museum at the University of Toronto for Night of Ideas, world-renowned French philosopher Jean-Luc Nancy’s “Sleep Well” muses on the nature of sleep.

In partnership with the Cultural Service of the French Embassy in Canada and Hart House, the Art Museum was one of the first Canadian institutions to take part in the Night of Ideas – a French-initiated global, all-night event happening simultaneously in more than 50 cities. Night of Ideas was presented as part of the opening of the Art Museum’s exhibition Figures of Sleep and brought together international artists, writers, philosophers, historians, neuroscientists and other restless minds to tackle such wide-ranging subjects as the neuroscience of sleep, the meaning of downtime, the health impact of sleeplessness, the cultural importance of dreaming, and the architecture and politics of sleep.

 


Recherche dans les pages indexées d'Idixa par Google
 
   
 
 

 

 

   
 
     
 
                               
Création : Guilgal

 

 
Idixa

Marque déposée

INPI 07 3 547 007

 

Films
CinemaChrono

2018.NA.NCY

NataRetrait

MN.LKJ

ProMort

CV.LLM

ProjCinemonde

CG.LLK

zm.Nancy.2018

Rang = YBNancyJeSuisMort
Genre = MH - NP