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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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Sources (*) : |
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CinéAnalyse : désert, aporie, où l'œuvre surgit | CinéAnalyse : désert, aporie, où l'œuvre surgit |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 16 avril 2018 - |
Passion (Jean-Luc Godard, 1982) - Faire film de l'aporie, c'est-à-dire du désert |
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Juxtaposition de deux mondes : (1) une usine où une ouvrière bégayante (Isabelle Huppert, qui garde son prénom) se révolte contre un patron, (2) un film en cours de tournage par un réalisateur, Jerzy (Radziwilowicz), qui a envie de tout laisser tomber. L'histoire, c'est qu'Isabelle tombe amoureuse de Jerzy. Mais Jerzy est attiré par Hanna (Schygulla), femme du patron d'Isabelle (Michel Piccoli, à la toux envahissante) et elle-même patronne de l'hôtel où il est logé. A la fin, il semble que Jerzy choisisse Isabelle et parte avec elle en Pologne, où Solidarnosc commence à ébranler le pouvoir. Raconté comme ça, c'est du Marivaux, du théâtre de boulevard, et bien sûr le film n'a rien à voir avec ça. Mais il faut cette histoire qui n'a aucune importance pour que le film fasse monde, ou monde(s). Entre les deux mondes, l'histoire d'amour est l'un des points communs. L'autre est l'argent. En effet le patron manque d'argent, ainsi que le producteur du film [et Jean-Luc Godard aussi, on le suppose]. L'argent, c'est ce qui fait tourner, et c'est aussi ce qui empêche de tourner. L'amour, c'est ce qui fait regarder, et c'est peut-être aussi ce qui empêche de regarder (autre chose). La passion, c'est une affaire de dette. D'ailleurs, dans tous les films, on ne parle que d'argent et de cul (dit Godard). Donc le réalisateur tourne un film, qui est une fiction (en tant que film représenté), mais n'en est pas une (dans son contenu), puisque c'est une suite de ce qu'on appelle des tableaux vivants, la reconstitution de peintures célèbres par des acteurs en chair et en os. Sur ce plan, on ne lésine pas sur les moyens : y passent Rembrandt, Goya, Delacroix, Le Greco, Tintoret, etc. Par sa mise en abyme, le film de Godard rompt avec le classique, mais il doit quand même exhiber du classique : peinture et aussi musique. Le choix des œuvres est sans ambiguité : c'est le cœur même de l'art classique. |
Quelques mois après la réalisation de Passion, Jean-Luc Godard a réalisé un autre film, Scénario du film Passion. Aux multiples mises en abyme, il en ajoute encore d'autres en jouant le rôle du vrai-faux réalisateur imaginant son film devant la page blanche, et en ajoutant ce post-scriptum, ce supplément qui ne raconte rien, mais qui a pour thème ce qui vient "avant" le film. Après le film, J-L G commente les prolégomènes du film, et cela donne un autre film qui s'ajoute au film, c'est-à-dire qu'il vient en plus, tout en constituant un nouvel ensemble dont il n'est qu'une partie.
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Godard démiurge, devant l'écran blanc, sans trace, immaculé. Il explique qu'un scénario prend 9 mois, entre le fini et l'infini, entre le noir et le blanc. Cet infini va se finir quand la métaphore rejoindra le réel, à l'intersection du réel et de sa métaphore, du documentaire et de la fiction. On peut rêver de rencontrer Godard dans le film lui-même, plutôt que dans le commentaire où il commence par affirmer qu'avant d'écrire, il faut voir [Moïse aurait, dit-il, vu la loi avant de l'écrire]. A-t-il, lui, vu le film avant de l'écrire? On peut en douter, car il a rédigé préalablement une introduction au scénario, un texte qui contient déjà ses principaux éléments. Et la première image du film, avant que l'histoire ne s'écrive, n'est autre que la trace d'un avion s'inscrivant dans le ciel. Godard montre dans ce film qu'on peut fabriquer un film à partir de rien. Il montre cet invisible que d'habitude on ne voit jamais. Il en résulte une incertitude : Est-ce un vrai film? Ou pas? Qu'est-ce qui a été fabriqué, ici, à partir du désert? Faire un tel film, c'est impossible, et pourtant le voici, c'est l'aporie incarnée par quelques tableaux classiques et une histoire sans queue ni tête, qui court dans tous les sens. Si la production d'un film est une industrie, il est logique de mettre en parallèle l'usine et le tournage. Derrière l'un et l'autre, il y a l'argent. Dans l'un et l'autre, il y a un bruit infernal qui coupe, interrompt. Les acteurs sont des ouvriers, ils sont réprimés par la police. On peut se permettre toutes les mises en abyme, même les plus caricaturales, et le plus surprenant, c'est que ça marche. Si on l'avait oublié, on nous rappelle à chaque instant que c'est du cinéma, et le résultat est beau. Une belle lumière sur des tableaux vivants, et ça suffit. Tout le film est une affaire de parergon. Les tableaux sont débordés par le hors-champ, les personnages vivent leur vie réelle (Jerzy qui ne pense qu'aux événements de Pologne, comme dans la vie). Il n'y a que des étrangers (Schygulla allemande, Jerzy polonais, Laszlo hongrois, Godard suisse), et Isabelle est amoureuse de l'étranger. Le film est une trace, une empreinte du réel, comme le linge de Véronique. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 1982.GO.DAR ArchiOeuvreOrloeuvreDJ.MMP zm.Godard.1982 Rang = ZYAporiePassionGenre = MH - NP |
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