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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
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L'écranophile en voix off | L'écranophile en voix off |
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CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" | CinéAnalyse : En disant "Je suis mort" |
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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 16 janvier 2005 - |
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CinéAnalyse : En s'aventurant pour plus que la vie | Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie (l'autre vivant) et la mort (sa propre mort) (Pont des Arts, film d'Eugène Green, 2004) |
CinéAnalyse : En s'aventurant pour plus que la vie |
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Cinéanalyse : une expérience de l'impossible | Cinéanalyse : une expérience de l'impossible |
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CinéAnalyse : faire venir ce dont on ne peut rien dire | CinéAnalyse : faire venir ce dont on ne peut rien dire |
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CinéAnalyse : en donnant corps à un pas - au - delà de l'être | CinéAnalyse : en donnant corps à un pas - au - delà de l'être |
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Pascal est un étudiant raté et Sarah une chanteuse non reconnue. Elle est martyrisée par un chef d'orchestre homosexuel, sadique et baroqueux qu'elle surnomme l'Innommable (ici s'intercale un numéro tragico-comique de Podalydès, et aussi une sorte de satyre des Arts Florissants). Double ratage qui les associe, mais ne les réunit pas. Le film raconte une rencontre improbable, impossible, entre une morte et un vivant qui n'avaient presque aucune raison de se croiser. Pascal s'intéressait-il à la musique? Non. Il y a juste ce disque offert par une ex-petite amie avec laquelle il n'avait strictement rien de commun. Ainsi en va-t-il du don : on ne sait jamais ce qu'il produit. Pascal ne croyait pas avoir la moindre raison de vivre. Il avait décidé d'en finir, mais sans aller jusqu'au bout. Grâce à quoi? A cette musique, à ce disque. Sarah, elle, est allée jusqu'au bout : elle s'est suicidée. Pourquoi échappe-t-il, lui et seulement lui, à la mort? Peut-être parce qu'il a eu le courage de ne pas se soumettre à un enseignement mortifère (c'est-à-dire une variété de silence, comme le recommanderait Jacques Vacher, selon l'interprétation qu'en donne l'enseignante). Sa voix à lui est restée vive. Au contraire sa voix à elle a été humiliée par l'Innommable, mise en boîte, enregistrée, diffusée, etc, mais aussi transfigurée par Monteverdi, dématérialisée par le processus technique et commercial - multiples figures qui renvoient toutes à la disparition. Avant même la scène humiliante devant son maître de chant, Sarah est déjà morte. Pas seulement déprimée, pas seulement triste, mais morte. Et plus tard quand elle chantera Le lamento d'Ariane (Monteverdi, 1608), elle ne sera pas en représentation, elle chantera d'une voix aussi merveilleuse que déjà détachée d'elle-même, redoublant le deuil de Monteverdi après la mort de sa femme en 1607 et le décès imprévu de la jeune chanteuse prodige, Caterina Martinelli, qui devait incarner le rôle. Ce n'est ni l'humiliation, ni la dépression qui l'on réduite, c'est son engagement infini. Dans le chant même, il fallait qu'elle soit absente et anonyme. Détachée de toute présence, sa voix pouvait prendre un autre sens qu'elle pressentait, mais dont elle ignorait tout. |
Pour habiter ce film, il faut se détacher d'une certaine préciosité et sans doute aussi d'une dénonciation assez caricaturale du monde de l'art. On se réconciliera alors avec le côté bressonien des dialogues, qui procure au film une combinaison unique d'abstraction et d'émotion.
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Partons de la scène centrale, au sens strict, vers la mi-temps chronologique du film. (Dialogue entre Manuel et Sarah, après la nuit du nouvel an 1980) - Pourquoi ne m'en parles tu pas? Il n'y a rien à dire. - Si, il y a toujours quelque chose à dire. - J'étais mal. - A cause de quoi? - A cause de la violence. - Où? - Dans les regards, dans les voix. - Je ne comprends pas. - On m'a arraché mon masque. - Pourquoi porter un masque? - Pour exister. - La vérité, n'est-ce pas mieux? - Quitter mon masque était la vérité. - Derrière, il y a toi. - Derrière il n'y a rien. C'est un fantôme que tu penses tenir. - Tu es aussi réelle que moi, moi qui suis réel je t'aime. - Tu ne sais pas où je suis. - Tu es ici, je te tiens dans mes bras. - Mon corps est déjà ailleurs. - Non. - Mon âme c'était le masque. - Non. - Et maintenant, elle aussi est ailleurs. - Ton âme est dans ton corps qui est devant moi. Je te touche de mes mains je te vois de mes yeux. - Ce que de moi on peut toucher et voir c'est quelqu'un d'autre. Le désir de Sarah était plus tourné vers le chant que vers la vie. Incapable de s'intéresser à son petit ami Manuel, pourtant charmant et aimant, elle était attirée vers un autre lieu dont elle ne pouvait rien dire. C'est ce lieu désertique, au-delà de l'être, qu'elle imaginait trouver par le suicide. Son maître de chant lui barrait le chemin, mais il était aussi d'une certaine façon l'incarnation de ce rien auquel elle aspirait. Elle savait qu'en ce lieu rien ne répondrait, sauf le silence, elle savait qu'il n'y avait rien à y découvrir, pas même un secret, mais elle ne pouvait pas renoncer à cette attirance. L'originalité du film, au-delà de la théologie négative, est de ménager, en ce lieu, la possibilité d'une rencontre. Sarah étant morte, ce n'est pas par sa voix vive qu'elle croise Pascal, c'est par l'intermédiaire d'un objet, d'un disque, capable de restituer un double de cette voix. Eugène Green est un spécialiste du baroque, il est fasciné par cette période, mais il n'est ni prêtre, ni théologien, ni compositeur : il fait des films, et ces films sont parlants, sonores. De son travail, il ne reste qu'un film, mais cela suffit pour nous émouvoir; et de Sarah, il ne reste qu'une voix enregistrée, mais cela suffit pour tomber amoureux. C'est cette voix qui reste, au-delà de la vie. Après le décès de Sarah, il y a dans le monde quelque chose de plus : une fabrication, un artefact, un objet. Christine fait don de cet objet à Pascal en ignorant qu'il y a derrière elle une autre donatrice, Sarah. Ce n'est qu'un simple cadeau de nouvel an, mais le voici qui outrepasse, de loin, sa fonction sociale, le voici qui réalise l'impossible : un vivant rencontre une morte. Il n'y a pas de cause à cela, pas de raison, ni la beauté du chant, ni le hasard des circonstances. S'appuyant sur certains moyens techniques et un jeu d'acteur, Eugène Green a trouvé un chemin pour figurer cet impossible. Au solstice de printemps, sur le pont des Arts, le film s'achève. Après l'image des deux ombres humaines, il n'y a plus rien, rien sauf la Seine qui continue de couler. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Films CinemaChrono 2004.GR.EEN ProMortDD.LDD StephanePlusVieJN.LKF CineImpossibleMJ.LKM CineRienGR.LLK PasDelaEparGI.LKJ zm.Green.2004 Rang = YGreenGenre = MH - NP |
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