Cette démarche qui justifie la raison par un "à-venir", on la trouve déjà chez Kant quand, s'interrogeant sur la fin suprême de la raison (le souverain bien), il pose la qeustion : "Que m'est-il permis d'espérer ?" La question est posée à la première personne. Ma raison, mon intérêt pour la raison, c'est l'espoir qu'arrive un événement qui fasse de la raison un système, une totalité organisée (p44). La raison est indissociable d'une finalité, une téléologie. Derrière le paradigme d'une raison universelle, il y a le "je", l'intérêt que je porte à ce qui vient, qui dès lors n'est plus impersonnel, mais un lieu que j'interpelle pour qu'il donne lieu au savoir.

Pour Kant, la raison humaine est architectonique par nature (p52). Pour un homme ayant intérêt à la raison, toute connaissance doit appartenir à un système possible. C'est cette téléologie, cet idéalisme transcendantal, commun à Kant, Husserl, et aussi Marx et Althusser, qui fait l'unité entre théorie et pratique (p56). Antérieure à cette opposition, la raison est supposée apporter une solution à la déviation théoriciste, mais en dernière instance, la pratique est elle aussi soumise à la valeur de rationalité.

Portrait d'un jeune architecte (Giuseppe Cesare, 1591).